Résumé du livre de Didier Dumas « Et si nous n’avions toujours rien compris à la sexualité ? »
I. La sexualité de l’enfant aujourd’hui ?
LA MASTURBATION
L’absence d’information sexuelle chez les enfants provoque des ravages. Il est traumatique pour un enfant de découvrir que ses parents ne savent pas parler des plaisirs du corps ou qu’ils ont honte des organes avec lesquels ils les ont fait. La masturbation punie bien souvent par les parents est un mécanisme qui permet à l’enfant de comprendre que le désir sexuel n’est pas une simple affaire corporelle mais le profond besoin de partager avec un autre le plus intime de sa vie émotionnelle et mentale.
L’APPRENTISAGE DE LA PROPRETE
A 18 mois, le cadeau de l’enfant à sa Maman n’est pas de faire dans son pot (comme le prétend encore la psychanalyse) mais de se tenir debout, de pouvoir regarder l’horizon sur ses jambes comme Papa et Maman. Debout, il peut voir son sexe devant la glace, ce qui suscite les premières questions sur la sexualité. A cet âge, la sexualité se construit et c’est pour cela que les parents devraient leur en parler dès trois ans.
L’ANALITE MUSCULAIRE DE L’ENFANT
Le passage de l’analité digestive à l’analité musculaire des jambes s’observe lorsque l’enfant danse pour la première fois sur ses pieds et c’est à ce moment que la mobilité du bassin prend son caractère typiquement masculin ou féminin. Les parents doivent pouvoir laisser courir leur enfant afin qu’il découvre lui-même qu’il est un individu indépendant. Au lieu de cela, de peur qu’il arrive quelque chose, les parents imposent à leurs enfants de rester près d’eux. Les parents font de leur enfant l’individu sur qui se concentrent toutes leurs angoisses de mort. Obligé de rester dans les jupes de sa mère, l’enfant ne peut plus imaginer qu’il aura à la quitter et plus tard il risque de tourner en rond.
LA CONSTRUCTION SEXUELLE DE LA FILLE
La petite fille qui a compris que son vagin est le complément du pénis du garçon est fière du pouvoir que cela lui confère et n’a plus de raison d’être jalouse des garçons. Etre femme, c’est comprendre en quoi on intéresse les garçons et apprendre à les séduire fait partie intégrante de leur construction sexuelle. Dire à une petite fille qu’elle a un vagin, un utérus et des ovaires et à un garçon qu’il a des testicules et un pénis,
permet aux enfants de se représenter la sexualité et de pouvoir se projeter dans l’avenir en étant fier de leur sexe. Il est impossible de comprendre cela par soi-même, sans une parole de ses parents.
APPRENTISSAGE ET AUTORITE
Entre 2 et 4 ans, l’enfant répond non à tout, il affermit son pouvoir et son “je”. Le premier handicap du développement de l’enfant est généralement le narcissisme des parents oubliant la plupart du temps qu’il leur reste à en faire un adultes, cela au point de se retrouver débordés à son adolescence. Le métier de parent est une affaire de transmission et non d’éducation. On explique aux parents que les enfants rêvent de tuer le parent du même sexe : c’est ce qu’on appelle l’œdipe. Or si un enfant rêve de la mort de ses parents, ce n’est pas parce qu’il veut les tuer, mais parce qu’il a intégré la notion de succession des générations. Les parents excluent les enfants de leur vie sexuelle car ils leurs attribuent une autre place, celle de leur succéder. Ceci implique de se représenter la sexualité des parents et de comprendre que la mort existe et d’accepter qu’ils y soient soumis. La loi à transmettre n’est pas celle de l’obéissance mais celle qui permet de vivre en communauté dans le respect des autres et ce dans la continuité du message transmis par les parents. La clé de l’épanouissement de l’enfant se situe dans sa capacité à s’identifier à ses parents. Punitions, menaces, interdictions, vont faire que l’enfant n’aura pas envie de s’identifier à eux et il risque de perdre son désir de grandir. D’où l’importance de la parole et de la communication émotionnelle.
ADOLESCENT ET SEXUALITE
De sa naissance à ses 7 ans, l’enfant construit son appareil émotionnel, fantasmatique et sexuel qu’il retrouvera à l’adolescence. De 7 à 14 ans, l’enfant oublie ce qui concerne la sexualité. A 14 ans, l’adolescent retrouve la sexualité telle qu’il l’a comprise avant ses 7 ans. Lors de cette métamorphose, si l’individu n’a jamais pu parler de sexualité, il lui est impossible de parler de ce qu’il lui arrive et il s’enferme dans son mal-être et se met à se détester. Deux ados sur trois ont pour première information sexuelle un film porno. Le décalage entre cette vision de la sexualité et l’absence de réponses à leurs questions génère une angoisse qui est à l’origine de l’augmentation des tentatives de suicide chez les adolescents dès 14 ans ou du développement des violences sexuelles.
2. Origine des troubles sexuels du monde occidental
EVOLUTION DES MOEURS SANS PRECEDENT
En quelques décennies, notre société est devenue un monde où la sexualité s’exhibe partout. Nul ne comprend le désarroi d’une jeunesse élevée sans une parole sur la sexualité alors qu’elle est nourrie d’images sur le sexe et la nudité.
BREVE HISTOIRE DE LA SEXUALITE
La sexualité des rois de France était affaire publique. La sexualité était présentée aux enfants telle qu’on la vivait. Avant le XVIIIe siècle, les mots » sexe » et » sexualité » n’existaient pas, mais il y avait un vocabulaire très riche pour en parler. La Révolution française va radicalement modifier ce comportement. Il y a eu une espèce d’alliance entre la bourgeoisie puritaine, l’Église et les médecins pour condamner la sexualité. L’église en pourchassant le “démon”, réprouve sévèrement la masturbation, source de tous les fléaux. La mentalité bourgeoise puritaine (religieuse ou médicale) a fait de nos ancêtres des malades sexuels : hystériques, fétichistes, sado-maso, etc. Dans les dernières années du XIXe siècle, la médecine invente un vocabulaire qui dote l’homme d’un sexe et d’une sexualité. Cependant, on ne parle pas encore de sexualité chez soi. Dans notre culture, la sexualité infantile par sa répression a engendré toutes sortes de pathologies inconnues qui ont rendu l’invention de la psychanalyse indispensable. Les jeunes filles a qui il était interdit de regarder leur nudité sont devenues des oies blanches et les hommes se coupent en deux : d’un côté, il fait des enfants à sa femme en se limitant au strict registre de la procréation, de l’autre côté, il institutionnalise les maisons closes. La femme n’a que deux possibilités : être toute mère ou toute putain. La relation conjugale s’érotise début du siècle. La 1ère guerre mondiale met fin au mariage de convenance. Avec la 2ième guerre mondiale, les femmes se battent et obtiennent le droit de vote et la fermeture des maisons closes. A la libération, on s’épouse de plus en plus vite et de plus en plus jeune. Avec l’arrivée de la génération suivante arrivée à maturité sexuelle, tout bascule. L’institution du mariage dépéri. Les couples se séparent à tour de bras. C’est l’époque de la pilule, de l’IVG,… La “libération sexuelle” de mai 68 abouti à une vague porno bien plus meurtrière que libératrice pour les enfants et les ados. L’absence de parole sur la sexualité dans les transmissions mère-fille, dans un tel monde, est catastrophique, et empêche de transmettre à la fille qu’elle peut être heureuse telle qu’elle est, en tant que femme. Cela donne bien souvent naissance à des cas d’hystérie : l’hystérie est une absence de mots, un défaut de pensée, qui s’exprime par des voies somatiques.
III. D’Eve à Dolto
EROS : Le dieux des retrouvailles du bébé en soi-même
La sexualité du bébé est centrée sur la bouche et installe le registre des sensations, alors que celle de l’enfant part du coeur et construit celui des sentiments. Freud a considéré l’Oedipe au cours duquel se construit le registre des sentiments mais il a trop sommairement traité les périodes qui précèdent l’Oedipe au cours desquelles se constitue la mémoire des sensations, celle de l’érotisme.
Le corps érotique et la “peau de l’esprit”
Le corps érotique qui s’épanouit dans l’univers des sensations et des images n’est pas le corps physique, il implique la dimension la plus intime de l’esprit. C’est ainsi, que dégagés du poids de la gravité terrestre, comme Eros, les amoureux atteignent le septième ciel. La profondeur de l’échange amoureux dépend de la force avec laquelle les esprits s’investissent. L’activité sexuelle n’est pas une simple affaire de corps mais une activité mentale indispensable à la survie de l’espèce.
Notre système de représentations est constitué de 3 “peaux”. La première, la peau de sensation, la plus ancienne et la plus interne de notre appareil à sentir, se structure au stade fœtal. La troisième peau, la peau langagière, régit les rapports aux autres et se construit vers 3 ans. La peau d’image, se situe au milieu, et se constitue au moment où le nourrisson ouvre les yeux. Cette peau établit les liens entre les sensations et la parole. C’est elle qui régit les fantasmes sexuels.
La résonance sexuelle et l’éjaculation
Des que les amants se touchent et se pénètrent, les vibrations des souffles et des énergies sexuelles entrent en résonance et sont ressenties comme une énergie qui transcende les frontières des corps. La jouissance est une forme charnelle de musique. L’intensité et la volupté du plaisir érotique viennent de l’union vibratoire dans laquelle les esprits se rejoignent. L’union sexuelle est la tentative de retrouver la langue universelle. Semblable aux foudres de Dieux, l’éjaculation fait retomber les amoureux sur terre.
Eve : le serpent, l’arbre et la Connaissance
La sexualité est présentée comme la porte de la connaissance. En dévoilant les secrets de l’arbre, le serpent révèle à Eve ce que chaque génération doit redécouvrir. La sexualité donne accès à l’Autre réalité, celle des dieux et de l’esprit, mais elle ne se conçoit qu’avec la mort, sans laquelle, elle n’aurait aucune raison d’être. L’ouverture des yeux d’Adam et Eve leur fait réaliser leur nudité. Ils fêtent ce qu’il viennent de découvrir : leur nudité intérieure, les énergies que la peau du corps masque et recouvre. En présentant la sexualité d’Adam et Eve à travers les yeux, la Genèse souligne le rôle des images mentales dont le rôle est d’établir la liaison entre la peau de sensation et la peau langagière. Dans l’amour humain, c’est l’incapacité d’assumer ses fantasmes ou ceux de son partenaire qui aboutit à ce que les sentiments et les désirs sexuels ne peuvent s’associer dans le même projet ou se vivre avec la même personne.
La mobilité corporelle de l’esprit et l’image consciente du corps.
Françoise Dolto a montré que le plaisir sexuel s’enracine dans une mémoire affective qui se constitue chez le bébé dans les bras de sa mère. L’image inconsciente du corps correspond à la façon dont nos structures mentales nous situent face à ceux avec qui nous établissons
des relations affectives. Elle se constitue à travers les échanges que l’individu noue avec ses parent. L’enfant s’exprime avec son corps tant qu’il n’a pas acquis la parole. Elle met en jeu des orifices du corps : les yeux, les narines, les oreilles, la bouche, l’anus. D’elle dépend, la capacité du corps à émettre et à recevoir les informations intraverbables, telles que sourires, caresses, mimiques. L’image inconsciente du corps est une mémoire affective qui mémorise le vécu sensoriel de l’enfant avec sa mère, pour le transférer, à l’âge adulte dans ses liaisons amoureuses. C’est elle qui permet ou interdit cet état de résonance mentale dont dépendent la volupté et la puissance du voyage érotique. L’amour est affaire de communication et implique de pouvoir se projeter. Les préliminaires sont indispensables à la qualité du voyage érotique. Françoise Dolto disait une chose très simple : si vous voulez bien faire l’amour, apprenez à vous parler.
La construction des fantasmes
Le cerveau cherche à combler une absence de mot par une image qu’il reconstruit avec d’autres mots. Ainsi, entre 3 et 7 ans, à l’âge où les fantasmes se forment, l’enfant construit un fantasme non pas avec ce que le parents disent de la sexualité mais avec ce qu’ils ne peuvent ou n’osent pas dire en créant des images qui se substituent à l’information que les parents n’ont pas pu ou pas voulu donner. Cette incapacité à faire le lien entre la peau des sensations et la peau langagière conduit l’individu à produire des images dont il n’a que faire et qui le persécutent.
La faculté d’être soi-même et l’autre et le désir de s’appartenir
Dans l’enfance, l’activité mentale originaire nous a permis d’être en même temps nous et nos parents. Moi et Maman, c’est pareil. L’amour n’est pas qu’une affaire de pulsions, il noue une relation beaucoup plus profonde dans laquelle le désir d’appartenir totalement l’un à l’autre trouve son origine à la dyade originaire, et se retrouve plus tard dans le couple où ce désir de s’appartenir l’un à l’autre, pour toujours et sans limite, prend appui sur cette relation première d’appartenance à la mère dans laquelle s’est constitué le sentiment d’exister. Dans la jouissance sexuelle, on atteint la délicieuse sensation d’être tout à la fois soi-même et l’autre. Elle comporte comme danger de déléguer inconsciemment à l’autre les clefs de son existence, en l’installant à la place de celle qui a été celle des parents dans l’enfance. Soit on assujettit son conjoint à un rôle nourricier, soit on établit avec lui une relation sexuelle de nature toxicomaniaque. Désir d’appartenir totalement à l’autre s’oppose à la peur de s’emprisonner et de perdre toute dignité. « Je te veux sans te vouloir ».
Fantômes maternels et sadomasochisme
Le sadomasochisme prend sa source à l’époque où la mère est à la fois esclave et maître absolu de l’enfant. Tant qu’il n’a pas découvert le rôle
du père dans sa venue au monde et qu’il est élevé sans paroles, la mère reste ce dieu. Un fois qu’il a découvert le rôle du père dans sa venue au monde, sa mère doit déchoir de ce statut de dieu créateur. Le désir sexuel, craignant de ne trouver qu’une relation mère enfant qui l’inhiberait, invente toutes sortes de subterfuges qui garantissent que l’on ne va pas redevenir enfant.
Les pervers sont souvent des enfants qui ont été adulés, tripotés en permanence mais qui à l’âge de l’oedipe, n’ont pu se représenter ni la féminité de leur mère, ni la virilité de leur père. Lorsque l’enfant est ainsi excité sans une parole qui lui permette de comprendre la différence des sexes, le plaisir auquel l’initie l’adulte ne renvoie les questions qu’il se pose sur la sexualité qu’au registre de agréable ou pas agréable. Il ne se forge pas de représentations imaginaires de la sexualité, ne s’interroge pas sur ses mystères et ses rapports avec la mort.
4. Le plaisir sexuel et la symphonie de l’orgasme
LA SEXUALITE CHINOISE
L’activité mentale s’exprime à travers tous les orifices du corps : autant ceux de la face que ceux de l’entrejambe. L’hygiène du souffle, fondée sur la rétention de l’éjaculation, est une sorte de yoga axé sur la maîtrise du souffle et des énergies sexuelles. La jouissance est dirigée vers des zones vibratoires d’une finesse et d’une intensité très supérieures à celles de l’éjaculation. La santé spirituelle implique de savoir bien manger, bien déféquer, et bien faire l’amour. L’amour est le premier des remèdes. L’orgasme transcende la notion de l’individu et le transporte dans le vécu foetal en même temps que dans l’extase d’expansion dans l’univers entier. Seule une humanité sexuellement heureuse pourra trouver des solutions à nos impasses actuelles.
« Et si nous n’avions toujours rien compris à la sexualité ? » de Didier Dumas démontre combien il est important de parler du corps dès le plus jeune âge pour accéder au bien-être. De connaître dès les premiers temps de la vie où se construit le domaine des sensations et de la circulation des énergies que la jouissance et l’orgasme remettent en scène. Une brève histoire de la sexualité remet le sujet dans son contexte. Pourquoi est-ce devenu un tabou et quels sont les dangers de cette croyance, de cette mécompréhension de la sexualité. La sexualité fait partie de la santé spirituelle. On en a beaucoup à apprendre !