1000 ans de joies et de peines d’Ai Weiwei, est une pépite ! Passionnant, vibrant, inspirant. Ai Weiwei nous conte sa vie absolument hors norme. En voilà un artiste vrai de vrai, qui nous fait prendre conscience du mot art avec un grand A. Dissident engagé contre la répression et l’injustice, Ai Weiwei réalise la puissance révolutionnaire de l’art et n’hésite pas à l’utiliser. Pour lui, « si l’art ne s’engage pas dans la vie, il n’a pas d’avenir. » Un artiste au grand coeur qui n’hésite pas à prendre position et à contrarier ouvertement les autorités de son pays dans l’espoir de faire avancer les choses. « Si je ne dis pas les choses, cela me mettrait dans une situation encore plus dangereuse. Alors que si je les dis, les choses pourraient changer. »
Ai Weiwei raconte sa jeunesse dans les camps de travail du goulag chinois avec son père, Ai Qing. un livre qui nous plonge dans la Chine de Mao et celle d’aujourd’hui et qui plaide instamment pour la liberté d’expression dans le monde. Splendide !
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1000 ans de joies et de peines :
résumé du livre d’Ai Weiwei
Ai Weiwei est né en 1957. Son père, Ai Qing, le poète de le plus prisé de Chine, avait 47 ans. Dans la même année, Mao Zedong déclenchait une tempête politique dont l’objectif était de purger les intellectuels de droite qui s’étaient montrés critiques envers le gouvernement…
Un peu d’histoire pour un peu de contexte
En 1912, un coup d’état met fin au règne de 266 années de la dynastie des Qing, et avec elle, se termine 2000 ans d’autocratie féodale.
En 1919, à Versailles, les conditions de paix de la première guerre mondiale se négocient. Le Japon obtient l’annexion de deux anciennes colonies allemandes en Chine. La déception des Chinois est amère et ceux-ci vont se rapporcher des courants nationalistes ou d’influences marxistes. En 1925, des milliers de chinois protestent contre les mauvais traitements infligés par les entreprises japonaises. La répression menée par les britanniques fait plus de 20 morts et blessés…
En 1925, Tchang Kaï-chek prend le contrôle du parti nationaliste et réussit à contrôler l’essentiel de la Chine. Il fait arrêter et exécuter les communistes ce qui va provoquer la guerre civile chinoise. En 1931, l’invasion japonaise commence avec la Mandchourie. En 1934, défaits par les nationalistes, les communistes, organisés autour de Mao Zedong, entreprennent la Longue Marche de 12.000 km. La victoire sur Tchang Kaï-chek est totale. En 1936, les vieux ennemis, nationalistes et communistes, coopèrent malgré tout afin de résister contre le Japon. Une guerre qui durera encore 8 ans et fera 20 millions de Chinois tués.
Ai Qing, le prince des poètes chinois
En 1929, Ai Qing, le père d’Ai Weiwei part étudier l’art à Paris à l’âge de 19 ans. Un de ses tableaux sera sélectionné pour l’exposition de printemps au célèbre « Salon des indépendants ». Mais c’est pour la littérature qu’Ai Qing se passionne, en particulier pour la poésie, qui pour lui est un art sacré. Il a une prédilection pour la poésie engagée de l’auteur belge, Emile Verhaeren.
En 1932, Ai Qing revient en Chine, à Shanghaï, la ville la plus importante et la plus séduisante du pays. Ai Qing est désormais doté d’un esprit indépendant et confiant dans ses capacités d’expression. Mais à peine revenu au pays, Ai Qing est accusé d’avoir troublé l’ordre public au sein du Parti communiste, dont il ne fait même pas partie. Condamné à 6 ans de réclusion, il ne lui était jamais venu à l’esprit qu’il pourrait aller en prison. Il contracte la tuberculose. Pendant cette période, il écrit une vingtaine de poèmes prouvant de façon éclatante son talent.
Libéré en 1935, il épouse une femme que ses parents lui avait trouvé, Zhang Zhuru. A Shanghai, il accepte une place d’enseignant et publie son premier recueil de poésie. Le jour de la naissance de leur première fille, en 1937, le Japon envahit la Chine. AI Qing va se déplacer de ville en ville. En 1938, il publie « Vers le Soleil » dont la poésie se confrontait à la réalité plus intensément que jamais. L’invasion japonaise continue. En 1939, Ai Qing divorce de Zhang Zhuru et il épouse Wei Ying. Elle a 17 ans et lui en a 29. Ils auront 2 filles.
En 1940, Zhou Enlai, représentant du parti communiste, visite l’école de Yucai où enseigne Ai Qing et l’invite à rejoindre le nombre croissant d’intellectuels de gauche dans le bastion communiste. Mao Zedong voulait attirer les intellectuels majoritairement déçus par le gouvernement nationaliste. Ai Qing, ravi à l’idée de pouvoir se consacrer entièrement à l’écriture, accepte. Une nouvelle page de sa vie commence croit-il… On dit que Mao avait essayé sans succès de se faire embaucher à la bibliothèque de l’université de Pékin et que cet échec explique probablement ses préjugés contre les intellectuels. Ses paroles et ses actes vont bientôt en témoigner. Ai Qing sent déjà que sa loyauté lui sera fatidique. Petit à petit, les intellectuels cessent d’être une force de la société…
En 1949, Mao proclame l’avènement de la république populaire de Chine à Pékin. Ai Qing est nommé président d’un comité dont la mission est d’examiner les projets pour un nouveau drapeau, un nouveau seau et un nouvel hymne nationaux. Pas question d’un retour à une ère de liberté d’expression. S’en suit une longue période consacrée à la mise en place de l’État communiste.
En 1954, Pablo Neruda, le poète chilien, invite Ai Qing au Chili pour venir y fêter ses 50 ans. Les deux hommes avait noué une réelle amitié. Neruda était charmé par Ai Qing, dont il disait qu’il était le plus ancien poète chinois connu, le prince des poètes chinois. En 1955, AI Qing divorce avec Wei Ying et rencontre Gao Ying, la future mère de Ai Weiwei et de Gao Jian.
Ai Qing est de plus en plus surveillé. Tous les discours de Mao visant à encourager les francs débats s’avérèrent n’avoir été qu’un effort prémédité pour attirer « le serpent hors de son trou ». La campagne anti-droitiste de 1957 est menée à travers tout le pays et met un terme brutal à la vie relativement confortable dont la famille d’Ai Qing bénéficiait depuis 1949. Ai Qing est condamné aux travaux forcés en Mandchourie et ensuite exilé au Xinjiang dans un lieu perdu, la « Petite Sibérie », l’année même de la naissance d’Ai Weiwei.
Dans les années 50, un premier quinquennat avait été lancé par Mao pour rattraper la production industrielle du Royaume-Uni et des États-Unis. Mao, encouragé par la relative réussite de ce premier plan, lance le Grand Bond en avant (un effort d’accélération de l’industrialisation) et les Communes Populaires (dont l’objectif était la collectivisation de l’agriculture). Des mesures désastreuses qui entre 1959 et 1961, allaient provoquer la mort de faim de dizaines de millions.
A cette époque, Ai Qing rencontre le vice-premier ministre Xi Zhongxun, le père du président chinois actuel, Xi Jinping, qui fit reconsidérer le statut de droitiste d’Ai Qing. En décembre 1961, la décision d’ôter l’étiquette de droitiste à quelques heureux élus parmi les milliers qui s’étaient fait prendre en 1957 fut prise. Ai Qing fit partie des 370 personnes à mériter cette faveur. Sa situation s’améliora et jusqu’en 1966, il put vivre un calme relatif et se consacrer entièrement à l’écriture. Mais un orage menaçait au loin…
En 1966, Mao débute la révolution culturelle qui s’étend dans tout le pays. Le but déclaré de la révolution était de détruire les vieilleries et de les remplacer intégralement par la pensée de Mao. Pour mettre le monde en ordre, il fallait d’abord le faire sombrer dans le chaos. La terreur rouge s’attaquait à tout le monde. Livres, sculptures, œuvres anciennes… sont détruits. AI Qing, comme pourvoyeur de littérature et d’art bourgeois, est à nouveau placé sur la liste noire des cibles idéologiques. Il décide de brûler lui-même ses livres avant d’être exilé avec Ai Weiwei et son demi-frère, à l’extrême nord du Xinjiang, dans « la petite Sibérie »., dans une « maison » où ils sont forcés de vivre sous terre. Ne pouvant plus supporter tant d’exil et de vivre dans des conditions si rudimentaires, Gao Ying reste à Pékin avec son autre fils, Ai Dan.
Ai Weiwei… une nouvelle vie commence
En 1973 qu’Ai Qing est autorisé à retourner à Pékin avec sa famille. Ai Weiwei a 15 ans lorsqu’il quitte la « Petite Sibérie ». Pour la première fois, il se brosse les dents avec du dentifrice… il sent qu’une nouvelle vie va commencer.
En septembre 1976, Mao Zedong meurt, quelques mois seulement après deux autres grands dirigeants, Zhou Enlai et Zhu De. Deng Xiaoping adopte de nouvelles réformes et notamment il réhabilite les victimes de la campagne anti droitiste de 1957. La foule immense réunie à Pékin réagit par un tonnerre d’applaudissements au nouveau poème d’Ai Qing. En 3 ans, il publiera plus de 100 poèmes et sera chaleureusement accueilli partout où il voyage. L’histoire semble avoir tourné une page…
Ai Weiwei apprend la peinture avec un voisin. Il y trouve une sorte de calme et l’art ouvre un espace nouveau pour lui, il a la perspective d’une rédemption, une voie vers le détachement et l’évasion. Sa brillante et ancienne camarade de classe de Shihezi, Zhou Lin, l’encourage à s’épanouir à l’étranger. En 1981, Ai Weiwei dépose une demande en vue de poursuivre ses études, à ses frais, à l’étranger et sa demande est acceptée ! Ai Weiwei part en Amérique, non pas parce qu’il rêvait de la vie à l’occidentale, mais parce qu’il ne pouvait plus supporter de vivre à Pékin. Il s’installe chez Zhou Lin qui étudie à l’université de Pennsylvanie. Quelques temps plus tard, il suit Zhou Lin à Berkeley. Ai Weiwei obtient une bourse pour l’école de design Parson à New York, ville à laquelle il se sent immédiatement appartenir. Il délaisse rapidement ses études et devient un sans-papiers sans pour autant s’en inquiéter. Il côtoie et loge chez des artistes, se lie d’amitié avec Allen Ginsberg… Ai Weiwei n’avait pas encore trouvé le langage visuel qui lui convenait pour s’exprimer. Il organise des expo et vend suffisamment de tableaux pour pouvoir payer son loyer et ses factures de chauffage.
En 1991, après 10 années passées à New York, Ai Weiwei s’interroge de plus plus sur son engagement à y rester. La violence de cette ville l’a rendu particulièrement sensible à l’absurdité de cette société. Une violence tellement enracinée dans la vie américaine qu’on ne peut y échapper. En 1993, Ai Weiwei rentre en Chine pour passer plus de temps avec son père, âgé de 83 ans. Il décèdera 3 ans plus tard.
Ai Weiwei… de retour en Chine
A partir du milieu des années 80, Deng Xiaoping, le dirigeant suprême, se révéla être un dictateur dont les mesures répressives rappelait l’époque de Mao. En 1989, Deng Xiaoping ordonne d’écraser les manifestants par la force sur la place Tiananmen à Pékin. 300.000 soldats armés de fusils à balles réelles, appuyés par des tanks et des véhicules blindés descendirent l’avenue vers la place en tuant des centaines d’innocents. Jamais, les chinois n’auraient imaginé une chose pareille possible. De ces évènements, Ai Weiwzei dit : « Les jeunes gens en Chine aujourd’hui ne savent rien du tout des manifestations étudiantes de la place Tiananmen en 1989, et s’ils en savaient quelque chose, ils s’en moqueraient sans doute, parce qu’ils apprennent la soumission avant même d’avoir acquis la faculté de douter et de discuter des idées reçues. »
Les aventures d’Ai Weiwei à New York sont entrées dans la légende. De nombreux artistes viennent lui demander conseil : « Ne faire aucun effort pour plaire aux autres, se concentrer pour préserver sa propre énergie vitale. » « Pour la culture conventionnelle, l’art doit être un clou dans l’œil, une pointe dans la chair, un gravillon dans le soulier : la raison pour laquelle il est impossible de ne pas tenir compte de l’art et qu’il déstabilise ce qui semble acquis et assuré. Le changement est un fait objectif, et que cela vous plaise ou non, ce n’est qu’en relevant le défi que vous pouvez savoir si vous avez assez de carburant pour maintenir le feu dans votre esprit. N’essayez pas de rêver les rêves des autres, vous devez affronter votre propre destin honnêtement, à vos propres conditions. » Par exemple, Ai Weiwei peint sur une urne de la dynastie Han un logo Coca-Cola pour lui donner plus de piquant.
En 1994, Ai Weiwei publie un livre consacré à l’art, le Black Cover Book. Avant même que le Black Cover Book n’arrive à Pékin, l’association des artistes chinois a reçu la visite d’agents de la sécurité publique. Ai Weiwei expérimente l’abus gouvernemental. Mais Ai Weiwei parvient à faire publier le livre. Sans s’en être rendu compte, Ai Weiwei est devenu politique, comme son père.
En 2000, Ai Weiwei monte l’exposition « Fuck Off », à laquelle plus de 40 artistes sont invités à exposer leurs œuvres. Certaines œuvres étaient difficiles à digérer car elles confrontaient la réalité crue (notamment la conséquence de l’imposition de la loi de l’enfant unique qui avait provoqué l’avortement d’au moins 100 millions de fœtus). Une exposition contrariante pour les autorités. « Mon inspiration et mon audace provenait de mon dégoût et de mon exaspération, de la ténacité acharnée que mes années à New York m’avaient inculquée, et de mon impatience envers la timidité de la génération de mon père. Je n’avais aucune intention de me retenir. Je déclarai ouvertement mon opposition et par mon acte de non coopération, je réaffirmai ma responsabilité en optant pour une position critique. » La sécurité publique de Shanghai fermera l’exposition.
Ai Weiwei devient architecte en réalisant son propre atelier dont les plans était si simples qu’il était difficile que quelque chose aille de travers. 100 après le premier coup de pioche, Ai Weiwei a son espace à lui et la possibilité de travailler à ce qu’il avait envie. Un architecte japonais en visite repartit en disant : « la Chine n’a aucun autre architecte. Ai Weiwei est le meilleur ! » Dans les années qui suivirent, il va accepter des centaines de projets architecturaux. Uli Sigg, l’ambassadeur de Suisse en Chine, fasciné par l’art chinois, présente Ai Weiwei au bureau Herzog & de Meuron afin de participer au concours pour la conception d’un stade pour les Jeux olympiques de Pékin. Ils remportent le concours. Le projet d’Ai Weiwei était un stade de 70 de haut et de 330 mètres de long conçu comme un nid d’oiseau. Projet très difficile à faire aboutir à cause des excès de zèle de l’administration chinoise.
En mai 2005, Ai Weiwei compose son premier blog sans avoir anticiper l’aspect transformateur de cet acte. Son entrée dans le champ visuel du public se fait avec la force d’une balle de fusil ! Blogger donne à Ai Weiwei la possibilité de parler des déchirements et des bouleversements de la société à des dizaines de milliers de lecteurs assidus ! Weiwei témoigne des difficultés endurées par les travailleurs, des ravages esthétiques entraînés par l’urbanisation.
En 2006, deux cars du Moma se garent devant son atelier avec 70 collectionneurs. Ce que Ai Weiwei va retenir de cet événement, c’est que la Chine était devenue, en terme culturel, partie intégrante de la mondialisation. Les influences étrangères pénétraient à nouveau en Chine comme un élément d’un nouveau cycle d’impérialisme culturel et d’appropriation capitaliste. À New York, il avait eu l’occasion d’écrire : « Si quelqu’un va au MOMA et n’est pas submergé par la honte, soit il y a quelque chose qui ne va pas avec ses penchants artistiques, soit c’est un escroc de première. Tout ce qu’on y trouve, ce sont des préjugés, du snobisme et de la vanité.
En 2007, Ai Weiwei aide une volontaire de l’association pour la protection des petits animaux qui avait intercepté un camion chargé de 500 chats (destinés à l’alimentation humaine). Les cages sont empilées les unes sur autres, contenant chacune 20 chats, tous apeurés, affamés, et déshydratés. Ai Weiwei réalise un documentaire sur l’industrie et le commerce de la viande de chats dans l’espoir de déclencher un vrai débat. Il a hébergé chez lui 40 chats afin de réparer les mauvais traitements qu’ils avaient subis de la part d’autres hommes.
Ai Weiwei met en place un projet d’exposition « Fairytale ». Le chinois moyen n’est pas calibré pour voyager loin de chez lui. Ai Weiwei décide de changer cela : il se rendra du 12 juin au 14 juillet 2007, dans la ville de Kassel en Allemagne avec 1001 Chinois. Ce voyage est l’élément central de l’œuvre. Les candidatures inondent de toute la Chine ! Pour les chinois, débarquer en Allemagne est aussi farfelu que d’aller sur la Lune. Ai Weiwei a acheté pour tous les billets d’avion, les assurances de voyage, finance l’aménagement d’un hangar avec une cuisine et des toilettes, l’hébergement divisé en dix chambres de 10 lits sur 2 niveaux femme/homme, l’engagement de cuisiniers, 1001 chaises anciennes de la dynasties des Qing pour que les visiteurs puissent s’asseoir ! Explorer le monde est un droit que l’on acquiert à la naissance et ces voyageurs l’exerçaient pour la toute première fois. Ai Weiwei voulait que ce soit parfait !
En 2008, un terrible tremblement de terre de 8,0 sur l’échelle de Richter frappa la province du Sichuan, faisant plus de 70.000 morts dont beaucoup d’enfants qui périrent écrasés dans l’effondrement de leur école dite « en tofu », tant la qualité de construction était mauvaise. Ai Weiwei se rend sur place. Il n’aura de cesse d’exiger les noms des enfants tués dans le tremblement de terre. Une « Enquête citoyenne : vérité, responsabilités, droits. » Les parents des victimes ont tous été menacé ou harcelé pour signer un accord par lequel ils s’engageaient à ne plus exiger d’enquête sur des négligences sous peine de renoncer à toute compensation pour le décès de leur enfant. L’enquête d’Ai Weiwei a permis d’identifier et confirmer les noms de 5196 écoliers qui avaient péris. « Si l’art ne s’engage pas dans la vie, il n’a pas d’avenir » dit-il.
Après le tremblement de terre, c’est le faste les jeux olympiques. Pour ne pas gâcher la fête, c’est qu’après la fermeture des Jeux, qu’on apprend que 30 millions de bébés avaient été affectés par du lait en poudre frelaté. Ai Weiwei pose sa signature sur un sachet de lait en poudre frelaté et le met aux enchères sur Internet pour acheter des vêtements aux provinciaux venus dans la capital pour obtenir justice. Il récoltera 1600 dollars. Les autorités s’efforçaient dorénavant comme elles pouvaient pour faire fermer le blog d’Ai Weiwei.
Aux gens qui demandaient à Ai Weiwei : « Comment peux-tu dire des choses pareilles sur ton blog ? », il répondait : « Si je ne les dis pas, cela me mettrait dans une situation encore plus dangereuse. Alors que si je les dis, les choses pourraient changer. » Pour lui, nul doute que mieux vaut parler que se taire : si tout le monde parlait, cette société se serait transformée de longue date. Depuis le début de son enquête citoyenne, des caméras de surveillance ont poussé partout autour de l’atelier. A un moment, il fut impossible à Ai Weiwei de se connecter à son blog. Un recherche en ligne sur son nom ne donnait plus de résultats. Ses fans créèrent d’autres blogs pour lui avec de faux noms et les choses devinrent si confuses qu’elles embrouillèrent le système de censure et ne firent qu’encore accroître la légende Ai Weiwei. En aout 2009, Ai Weiwei est arrêté une première fois… il filme tout de son arrestation pour faire connaître au monde entier la façon dont fonctionne le gouvernement chinois.
En 2009, Ai Weiwei et sa compagne, Wang Fen, ont un fils, Ai Lao.
A Munich, Ai Weiwei monte une exposition « So Sorry » afin d’honorer sa promesse faite à un mère dont la fille est décédée dans le tremblement de terre. Il a couvert la façade de la Haus der Kunst de plus de 9000 cartables à dos qui formaient une phrase en caractères chinois : « Elle a vécu heureuse en ce monde pendant 7 ans ». La petite Yang Xiaowen ne sera pas oubliée et tous les autres enfants morts si tragiquement seront commémorés.
En 2010, Ai Weiwei est invité à la Tate Modern à Londres. Dans un des espace, il a exposé de minuscules objets : des graines de tournesol en céramique. 100 millions de graines furent fabriquées dans toute la Chine par 1600 paires de mains, en 20 étapes minutieuses de fabrication. Un océan de graines a occupé le Turbine Hall de la Tate. Ai Weiwei a de la manière la plus patiente et la plus extrême, affirmé l’indépendance de chaque individu. De même que chacune de ses graines est différente, une chose complète en elle-même, chaque vie à sa valeur : aucune ne mérite d’être négligée.
La surveillance continuelle d’Ai Weiwei était terrible. 18 personnes chargées de le surveiller et de le suivre partout où il allait. Un matin d’avril 2011, alors qu’il se rendait à l’aéroport, Ai Weiwei fut arrêté et emmené dans un lieu secret pour y être enfermé en résidence surveillée, à l’isolement total, sans avoir le droit de consulter un avocat. Ai Weiwei songea énormément son père qui avait traversé une période bien plus dure, et durant laquelle tant de personnes ont payé de leur vie les propos qu’ils avaient tenu. Ai Weiwei se rendit compte à quel point il le connaissait mal. C’est à ce moment que lui est venue l’idée d’écrire ce livre, pour éviter à Ai Lao de souffrir un jour du même regret. Deux mois plus tard, Ai Weiwei est libéré pour des raisons aussi opaques que celles de sa détention. Les conditions de sa libération exigeaient qu’il ne quitte pas Pékin, qu’il n’aille plus sur Internet, et ne communique pas avec les médias. Ai Weiwei est devenu une icône mondiale. La Tate Modern à Londres a affiché en grand sur sa façade « Free Ai Weiwei », son portrait était peint au pistolet sur les passages piétonniers et dans le métro à Hong Kong. Hillary Clinton avait officiellement fait part de sa préoccupation ainsi que les dirigeants de l’Allemagne, du Royaume-Uni et de la France.
La surveillance ne s’est pas relâchée d’un pouce, au contraire… En 2012, AI Weiwei accepte une invitation à assister au premier concert jamais donné à Pékin par Elton John. Avant le spectacle, Ai Weiwei est allé saluer Elton John en coulisses. Après une première série de chansons, Elton John s’est levé sur scène pour dire quelques mots au public. Il a dit qu’il dédiait ce spectacle à quelqu’un qu’il admirerait pour son courage et son inspiration. Et il prononça le nom d’Ai Weiwei Ce qu’il dit ensuite fut noyé dans un tonnerre d’applaudissements. Ai Weiwei qui était parmi le public, fut extrêmement touché de voir un autre artiste souligner son engagement pour la liberté de l’expression artistique, quelqu’en soit les conséquences. Cet acte généreux valu à Elton John l’interdiction de revenir en Chine pour se produire pour son public chinois.
Ai Weiwei est mis sur une liste noire, en raison de ce qu’il voyait l’art comme une forme d’intervention sociale, promouvant les valeurs de justice et d’égalité. Son nom et ses œuvres ont été bannis des expositions en Chine. La censure touche à tous les aspects de la vie. Elles annulent la conscience de soi l’expérience de la vie : les idées laissent la place à la conformité, la parole à la flatterie, et l’existence se réduit à la servilité. Ai Weiwei affronte plus qu’un énorme système politique arbitraire, mais une vaste étendue de terre aride où l’on se moque de la liberté, où l’on encourage la trahison, et où on fait l’éloge de la tromperie. En 2015, après 4 années d’assignation à résidence, Ai Weiwei récupère son passeport. Le 30 juillet, il s’envole pour Munich et rejoint sa compagne et son fils. Il vit aujourd’hui au Portugal à Evora.
En décembre 2015, Ai Weiwei se rend avec sa compagne et son fils, en Grèce, sur l’île de Lesbos. C’était sa première rencontre avec un groupe de réfugiés fuyant leur pays ravagé par la guerre. En 2016, Ai Weiwei enveloppe les piliers de la Konzerthaus de Belin avec les milliers de gilets de sauvetage. Pour son exposition à Prague, il a conçu un canot en caoutchouc de 60 m de long rempli de 260 mannequins de caoutchouc. En 2017, il monte un documentaire « Human Flow » au cours duquel il ramasse des vêtements abandonnés par les réfugiés lors de leur voyage sans fin. Ai Weiwei voulait signifier à chacun de nous qui jouit d’une vie confortable que nous ne pouvons être sûr que ce ne sera pas un jour nous-même qui sera arraché de chez lui et déchargé sur un rivage étranger.
AI Weiwei est aujourd’hui engagé sur le terrain plus universel de la nature humaine et peut exprimer plus pleinement sa compréhension des droits de l’homme.
Mille ans de joies et de peines,
Dont ne reste la moindre trace
Homme qui vivez, profitez de la vie
N’espérez pas que la terre en gardera le souvenir
AI QING