Allez, courage ! C’est l’appel du cœur qui nous lève du lit dans les aubes gelées de l’hiver. C’est notre âme qui nous redresse quand on perd le souffle. C’est notre feu qui nous réveille quand on perd la foi. C’est cette porte qui s’ouvre sous un vent fou dans une forêt perdue de décembre.
Ce livre « Allez, courage ! » de Blanche de Richemont, n’est pas un appel aux armes, mais un appel aux âmes. À cette étincelle qui nous remet en chemin pour ne pas passer sur terre comme une âme endormie.
I. L’ELAN
La force de l’âme
Le courage, c’est l’ardeur qui vient du cœur.
La voie la plus courageuse n’est jamais la plus facile. Elle ne flatte pas nos instincts primitifs, notre paresse, nos petits arrangements avec les réalités. Elle nous veut grands, forts, plein d’audace. Une âme debout…
C’est l’histoire de toutes les vies. Sans feu intérieur, les jours s’éteignent.
Soljenitsyne nous alertait : « Faut-il rappeler que le déclin du courage a toujours été considéré comme le signe avant-coureur de la fin ? » En effet, si nous perdons le tout, le plus haut, la vie intérieure, nous dépérirons. Sans dimension spirituelle, l’homme n’est plus qu’un pantin. « Personne sur terre n’a d’autre issue que d’aller toujours plus haut. »
On se lève pour ce qui nous éclaire
… toute ma vie c’est la beauté du monde qui m’a redonné du courage. Un jour surtout, elle m’a sauvée. Lors de l’enterrement de mon frère, mon père m’a demandé de faire des bouquets de fleurs pour les chambres qui allaient accueillir la famille. Je suivais ses ordres et partais avec lui dans le jardin, un sécateur à la main. Pour moi, le courage ressemblera toujours à celui qui cueille des fleurs quand il enterre son fils. C’est l’ardeur de la vie qui refuse de se laisser éteindre et va puiser son feu dans la beauté du monde. La raison ne suffit pas.
Si nous étions parfaitement rationnels et conscients de la plupart de nos actes, nous ne ferions pas d’enfants, nous ne nous marierions pas, nous ne tomberions jamais amoureux, nous ne passerions pas des heures à bâtir des châteaux de sable que la marée emportera. Nous n’aurions aucun courage car nous savons intimement que tout passe. Ce n’est pas notre raison, mais notre ardeur qui nous élance.
Les mots qui encouragent sont des mots qui sauvent. Il ne tient qu’à nous de réveiller le courage dans le cœur des autres. Il ne tient qu’à nous de leur transmettre un discours qui s’adresse à leur grandeur, leur rêve, leur âme, leur beauté… Chaque parole est semence.
Celui qui s’émerveille sera toujours sauvé. L’émerveillement est au cœur du courage. Dostoïevski a écrit : « La beauté sauvera le monde. »
Sans le courage et l’ardeur dont il tire sa force, l’homme ne peut pas s’épanouir. Il s’éteint s’il ne se dépasse pas. Le courage est le frisson de l’âme qui aspire à éclore. Il est la pulsion originelle. Comme le phare balaie la nuit, le courage écrase la médiocrité avec éclat.
Le courage s’élance d’une colonne vertébrale droite qui fait face. On le façonne en luttant contre la loi de la gravité. En visant les hauteurs sans succomber à la lourdeur qui nous fait ployer l’échine ? Se tenir droit face la vie nous entraîne à refuser la lâcheté. Peut-être que le courage se devine dans un être rien qu’à la façon dont il se tient.
Mère courage (pléonasme)
« Ne juge pas chaque jour à la récolte que tu fais mais aux graines que tu sèmes. » Robert Louis Stevenson
Les enfants sont des maîtres. Ils nous apprennent à tout donner pour les laisser s’éloigner. Nous les mettons au monde pour les donner au monde… Tous les jours, mes enfants m’enseignent qu’ils ne doivent pas être le sens de ma vie. Que ce qui m’anime ne doit dépendre de rien d’autre que de mon âme.
La mère d’un enfant autiste raconte : « Mon courage vient de mon non-choix. Cette société nous affaiblit en nous faisant croire que nous avons tous les choix, que le confort est possible et lisse tous les problèmes. C’est faux. Nous avons tous notre lot d’épreuves et notre le seul choix et le courage ou la petite mort. »
Le courage vient nous cueillir comme une main divine qui nous sort de nos marécages. Cette grâce ne tombe pas du ciel. Elle vient d’un cœur qui a appris à ne pas être une victime mais un disciple des événements. Ainsi, le courage s’apprend.
II. L’EPREUVE INITIATIQUE
Contre nature ?
Sylvain Tesson avoue qu’il n’a jamais eu du courage car il n’avait jamais eu besoin de faire un choix décisif pour sauver sa famille ou son pays. C’est de l’ardeur. Il dit : « Faire acte de courage, c’est consentir à risquer sa vie alors que tu aspires à la préserver. » Le courage serait donc contre nature puisqu’il nous arrache sans cesse à notre sécurité. C’est l’ardeur, cette force en soi qui pousse en avant.
Je ne crois pas que le courage soit contre nature, mais l’écho de notre feu primordial, mystérieux qui nous a tournés vers la beauté, échappant ainsi à notre condition animale… Tout cela témoigne d’un élan puissant qui pousse l’homme à être plus que lui-même.
Mandela apprit dès son plus jeune âge la valeur de l’épreuve initiatique. Les hommes de son clan ne devenaient des hommes qu’après des rituels et des cérémonies. Il était inscrit dans son psychisme que l’épreuve était une initiation, une étape affranchir pour grandir.
Chaque grand jour est un courage
Le courage, c’est de ne pas oublier la part lumineuse de nous-mêmes et de la nourrir. C’est la sagesse dans la tempête.
Nietzsche est le philosophe de l’ardeur. A Turin en 1889, il voit un cocher flageller brutalement son cheval qui refuse d’avancer. Plein de désespoir et d’amour, Nietzsche sanglote et enlace l’animal. Son logeur le reconduit chez lui et il restera deux jours prostrés avant de sombrer dans la démence pendant onze ans. La lucidité, cette blessure inguérissable… Si Nietzsche n’avait pas allumé le feu de son âme, il n’aurait peut-être pas connu une fin si tragique… mais il n’aurait pas été Nietzsche.
Même pas peur
C’est l’histoire d’un homme qui se jette d’un pont pour se suicider. Un policier le voit dans l’eau et hurle : « Sortez tout de suite, sinon je tire ! » Alors l’homme nage jusqu’à la rive. La menace du policier lui a fait passer l’envie de mourir. La peur est donc plus forte que la mort.
Quand une chose défavorable surgit, le courageux se pose cette question unique : que dois-je faire ? Puis il se met en mouvement… Le courage n’est pas l’absence de peur mais la capacité de la traverser, d’être enseigné par elle. On ne se découvre que collé au mur.
Éloge de la chute
Face à la douleur, le courage de s’écrie pas : « Pourquoi ? Pourquoi-moi ? ». Car il ne recevra aucune réponse. Il s’écrira donc : « Comment ? Comment me relever, agir, persévérer, transcender ? Comment être enseigné par l’épreuve ? ».
Faire bouger les lignes
Avant que la chenille ne devienne papillon, elle cesse toute activité et adopte une attitude contemplative. Cet état de parfaite immobilité est appelé « nymphose ». La puissance est dans la détente.
Mâ Ananda Mayî disait : « Sans la joie, la vie est un supplice. Vous devez découvrir cette joie pure qui a engendré le monde et qui est le sens même de votre être. »
Où est la liberté ?
La véritable liberté est rare. Elle est d’abord intérieure. Et ces cages du cœur sont sans doute les plus difficiles à briser. La liberté, c’est viser l’essentiel, cet infini en nous.
Chékéba Hachemi, première femme diplomate en Afghanistan, explique que pour les femmes afghanes, le courage n’est pas un choix, c’est une question de survie. Une femme éduquée, même si on la met entre quatre murs, s’en sortira. La connaissance et la clef des champs.
Grandir, c’est avoir le courage de se transformer sans cesse, d’aller creuser toujours plus profond dans cette surprise que nous sommes.
Traverser la nuit
Goethe avait écrit : « Meurs et deviens ! » Peut-être faut-il apprendre à traverser la nuit. Pour naître à soi. Peut-être que le plus dur est de traverser la nuit, sans mission. Sans un sens qui nous porte, sans une équipe qui nous encourage, sans une étoile qui nous guide. Traverser la nuit, toutes les nuits, sans savoir pourquoi, ni comment. Il y a des nuits où les étoiles se taisent…. Elles m’ont poussé à aller chercher une lumière qui ne va pas de soi, plus profonde, cachée et donc imprenable, affranchie du regard des autres et des événements extérieurs. Elles m’ont appris à voir la seule étoile qui éclaire la nuit, la main tendue que je n’espérais pas, le silence comme un refuge, l’amour comme une évidence, le courage comme une puissance.
Vijayananda disait : « Quand ça va mal, faites le dos rond, attendez que ça passe » et ça finit toujours par passer. C’est alors que nous renaissons comme un printemps.
III. UN PEU DE LUMIERE EN PLUS
Suivre l’étoile
Pour Leina Moustapha, cette jeune kurde qui a reconstruit Raqqa, cette ville du centre de la Syrie laminée par l’État islamique : « On a tous une énergie cachée. On doit savoir comment l’utiliser. Il faut toujours penser aux objectifs nobles et sublimes. » Le découragement, c’est la perte de sens. À nous de trouver notre étoile. C’est alors qu’on devient un marcheur et non plus un errant. Comme le disait Sénèque : « Il n’est pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va. »
L’épreuve révèle les âmes debout. Celles qui n’ont d’exigence qu’envers elles-mêmes… Les chutes sont des chemins pour ceux qui restent fidèles à leur âme. Si quelqu’un souffre, offrez-lui de l’amour, une rose, une bonne raison de se battre, de secouer ses larmes. Offrez-lui une étoile.
Notre ardeur à vivre, celle qui vise à vivre au plus haut de soi car nous sommes seuls responsables de ce que nous donnons au monde. Nourrissons notre flamme. Nous avons besoin de sentir que notre vie vaut quelque chose, que nous ne passons pas sur terre pour rien.
Fidèle à son courage
Dans la mythologie grecque, Sisyphe est condamné par les Dieux à pousser un rocher au sommet d’une montagne qui inéluctablement roule vers la vallée. Il doit donc remonter sans cesse… Camus écrivait : « La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un cœur d’homme. » Pour rester fidèle à son âme, il faut avoir la force de se remettre à zéro. Car ce qui n’évolue pas meurt. Rester fidèle, c’est renaître sans cesse comme un printemps. C’est viser une fois de plus les sommets. En roulant son rocher. Peu importe le résultat, les conséquences ne sont pas entre nos mains. Le courage, c’est se relever.
La force de vie
Victor Hugo a perdu quatre de ses enfants. Comment a-t-il survécu ? Où a-t-il puisé son énergie ? Il l’a puisée dans le mystère. Victor Hugo n’était pas sur terre pour se préserver mais pour projeter toute sa lumière. Écoute ton cœur et marche. Rayonne simplement de ce que tu es.
Rire quand même
Ma mère répète qu’elle n’aurait jamais survécu à l’amour de son fils s’il n’avait pas ri tous les jours. Le rire lui a sauvé la vie.
Quel est le lien entre le rire et le courage ? Il est viscéral. Car la joie est le cœur de notre âme. Elle vient nous cueillir dans les pires tragédies comme un soleil dans la tempête qui nous aide à croire en la lumière. On a toujours du courage lorsqu’on est capable de rire, d’un rire qui réveille, qui redonne de l’élan et la foi en la vie. Un rire qui dit la joie qui éclate contre vents et marées. Le rire montre le grand courage de la vie qui se déploie envers et contre tous. Rire est un acte de résistance.
Le rire est la plus belle réponse au tragique de l’existence. Il est la voix de l’âme qui crie à l’adversité : tu ne m’auras pas.
La paix
Je m’assieds au pied d’un arbre et songe que j’aimerais un jour épouser le courage de l’arbre. Planter mes racines dans cette voie intérieure qui pousse à n’agir que lorsque c’est nécessaire. Devenir la voix du silence. Et éclairer la nuit par une simple présence.
Quand on est installé dans l’être, on a plus besoin de courage. À l’image de l’arbre, l’action juste jaillit spontanément, comme des feuilles éclosent au printemps et s’envolent à l’automne. Alors tout devient simple.
Si Socrate n’a pu définir le courage, c’est parce que le véritable courage est au-delà : c’est la paix qui agit. Simplement. Sans éclat. Sans question. Une humble évidence qui bouleverse le monde.
Ce soir, le vent secoue les arbres, les nuages dansent, le silence crie et craque. Il est temps d’allumer un feu. Je songe alors que cette flambée est l’allégorie du courage : une étincelle dans la nuit. Une présence dans la solitude. Une puissance qui nous élève. La mystérieuse lumière des hommes.
Laurence de Vestel- résumé « Allez, courage ! » janvier 2023 pour ©Oltome.com
« Allez, courage ! » ,un livre magnifique qui fait réaliser combien le courage donne de l’ardeur à nos vies : « Le courage, c’est l’ardeur qui vient du cœur. » A travers la propre expérience de vie de Blanche et celle de héros connus et moins connus, ce livre nous donne un véritable élan pour mieux aimer, oser, entreprendre… pour nous entrainer toujours plus haut. Tout en douceur…. Remarquablement bien écrit ! Une écriture unique, personnelle, lumineuse. « Notre ardeur à vivre, celle qui vise à vivre au plus haut de soi car nous sommes seuls responsables de ce que nous donnons au monde. »