Résumé de « Et si le bonheur nous tombait dessus »
I. PROSPECTIVE – Fait de se projeter dans l’avenir ou y penser
1. Voyage au Pays de nul temps
L’homme est le seul animal qui pense à l’avenir… Voir, c’est faire l’expérience du monde tel qu’il est. Imaginer, c’est faire l’expérience du monde tel qu’il n’est pas.
Dans les années 30, il était courant de détruire chez les patients anxieux et très agités, certaines parties du lobe frontal. Plusieurs patients « lobotomisés » vivent dans un présent permanent où plus tard n’existe pas : ils n’étaient pas plus malheureux que les autres.
Vers 1960, après un séjour en Inde, un grand professeur de psychologie écrit un Best seller « Be here now », manuel expliquant comment ne pas devoir penser à l’avenir. Pourquoi sommes-nous inaptes à cela ?
La prospective peut procurer une émotion agréable. Se plonger dans le passé avec un album de photos peut être agréable, tout comme se plonger dans l’avenir en s’imaginant riches, beaux… La prospective permet de contrôler. Nous aimerions savoir ce qui risque d’arriver pour pouvoir y faire quelque chose. Etre efficient est gratifiant. En jouant aux dés, en regardant du foot, nous pensons influencer le sort.
En vérité, nous pensons tenir la barre vers un avenir qui fera notre bonheur. Nos efforts de pilotage ne servent à rien car notre imagination prévoit les choses comme elles ne seront pas. L’imagination a 3 gros défauts ; elle travaille si vite qu’on ne doute pas assez de ses créations, elle crée un avenir très semblable au présent que l’on vit, elle ne prédit pas le regard qu’on portera aux évènements qu’elle crée.
II. SUBJECTIVITE – L’expérience n’est observable que par celui qui la fait
2. Vu de l’intérieur
Pouvons-nous accepter l’idée que des sœurs siamoises soient heureuses ? Elles disent être heureuses et comme tous les siamois, elles ne conçoivent pas de pouvoir vivre heureuses et séparées ! Qui se fait une fausse idée du bonheur ? Elles ou nous.
Le bonheur ? Tout comme il n’existe aucun moyen de définir le jaune, il n’est pas possible de définir le bonheur si ce n’est sur un mode « tu vois ce que je veux dire ? ». Il est impossible de savoir si notre expérience du jaune est la même que celle du voisin. Le jaune est le jaune, le bonheur est le bonheur et on a aucun doute sur sa réalité lorsqu’on l’éprouve. Le bonheur désigne trois notions : émotionnel (être heureux), moral (heureux parce que), estimatif (heureux de ou que).
FREUD : « La question du but de la vie humaine a été posée d’innombrables fois… Que demandent les hommes à la vie ? Vers quoi tendent-ils ? Ils tendent tous au bonheur, veulent tous être heureux et le rester. Cette aspiration a deux faces, un but négatif et un but positif : d’un côté éviter douleur et privation de joie, de l’autre rechercher de fortes jouissances. Tous les hommes désirent être heureux quels que soient les moyens qu’ils emploient. L’un va à la guerre, l’autre n’y va pas… le même désir est dans les deux accompagné de différentes vues. La volonté ne fait jamais la moindre démarche que vers cet objet. C’est le motif de toutes les actions de tous les hommes, jusqu’à ceux qui se tuent et qui se pendent. »
Dans l’exemple des siamoises, sur l’échelle du bonheur allant de 1 à 8, lorsqu’elles se disent follement heureuses, qu’elles se situent à 8 (par l’effet d’un gâteau d’anniversaire), c’est ce que nous appellerions 4… ce qui les rendent folles de joie nous rendent disons satisfaits… On en déduit qu’elles ne sont pas vraiment heureuses. Dès lors, lorsqu’elle pensent 8, que nous faut-il pour éprouver « leur » 8… Faire la roue sur la Grande Barrière de Corail ? La maîtrise du lexique à 8 est défaillante chez tout le monde : personne ne sait ce qu’est le bonheur.
Ne sachant pas à côté de quoi on passe, on peut vraiment être heureux. Ce qui ne serait pas le cas si on avait l’expérience de la chose à côté de laquelle on passe. Je fume le cigare. Mon conjoint ne comprend pas pourquoi il me faut un cigare pour être heureux. Mon conjoint l’est tout autant sans cigare. J’aurais pu être heureux sans les cigares si je n’en avais pas connu l’expérience. Un coucher de soleil sans cigare était un 8 avant que je ne connaisse le cigare. Maintenant, sans cigare, il vaut 7.
3. Vu de l’extérieur
Un prof de psycho en rencontre un autre : « Salut, toi, tu vas bien. Et moi, je vais comment ? »
Faites une pause et regardez longuement votre pouce… Vous ne l’avez pas fait… Vous avez continué à lire. On répond à la question « Que dois-je faire » avant de répondre à la question « Qu’est ce que c’est ? ». On fuira un sanglier avant de l’avoir identifié.
Le fait d’être « excité » sans savoir exactement pourquoi peu mener à se tromper sur ce que l’on ressent. Un homme traverse un pont instable et est interpellé par une belle femme. Il a pris son excitation pour une attirance sexuelle alors qu’elle était due à la peur.
À la terrasse d’un café, vous lisez un article passionnant dans le journal. Vous vous rendez compte que tout en lisant, vous ne savez plus ce que vous êtes entrain de lire. Avez-vous lu cet article ou l’avez-vous rêvé… Vous relisez brièvement et constatez que les mots sont familiers. Vous avez vécu l’expérience de « lire » sans en avoir eu la conscience. Il est donc possible d’être heureux, triste, ennuyé, et de ne pas le savoir.
III. REALISME – Les choses sont dans la réalité ce qu’elles semblent être dans la tête
4. Dans l’angle mort de l’imagination – Bouche-trou
Nous, nous savons qu’à la place de l’autre, nous aurions éprouvé des émotions diamétralement opposées. On fait systématiquement des erreurs lorsqu’on s’efforce d’imaginer « comme si ». Et c’est ce que l’on fait à longueur de temps. Comprendre la première faiblesse de l’imagination (avenir), c’est comprendre les faiblesses de la mémoire (passé) et les faiblesses de la perception (présent).
Comment fourrer dans notre cerveau la totalité de nos expériences et souvenirs ? En trichant. On relate un dîner dont nous ne pouvons pas nous souvenir en entier, dont nous avons stocké le résumé en mémoire et dont les informations obtenues après l’événement altèrent le souvenir de cet événement. On bouche les trous avec des détails qui n’étaient pas dans la mémoire, à notre insu et très rapidement.
Vous avez une liste de mots que vous lisez : lit – sieste – paix- rêve – bâillement – endormi – fatigué. Le cerveau a stocké l’idée générale au lieu de stocker chaque mot : vous savez que « fleur » n’est pas sur la liste et vous vous rappelez à tort que dormir était sur la liste. De même, en prévoyant nos réactions à des événements futurs, le cerveau fait appel à la technique de bouche-trou qui fait partie intégrante de l’acte d’imaginer. Un spaghetti demain soir ? Le spaghetti « imaginé » n’est pas le spaghetti de demain soir. Il nous arrive souvent de nous rendre par obligation à un événement que nous projetons être barbant. Finalement, nous passons un moment formidable. Nos prévisions se fondaient sur une image détaillée qui reflétait une hypothèse fournie par notre cerveau qui s’est trompé. Cela va au-delà…. on est certain qu’on serait plus heureux plus riche, dans une maison plutôt que dans un appart, avec enfants plutôt que sans, …
L’erreur est de traiter le fruit de son imagination comme une représentation exacte de la réalité.
La première étape de notre perception du monde est ce qu’on voit. On croit ce qu’on voit puis quand il le faut on n’y croit plus, on corrige pour agir en fonction de la réalité. Le cerveau croit et ne fait pas semblant ! L’imagination ne demande aucun effort. La technique du bouche-trou est plus forte que soi. On s’attend à ce que l’avenir se déroule avec les détails inventés par le cerveau. Les détails ajoutés par le cerveau sont plus problématiques que les détails oubliés…
5. Les chiens n’aboient pas, la caravane passe… – Pièces manquantes
Absences au présent
Les pièces manquantes de l’imagination sont très importantes.
Nous pensons prendre systématiquement la file d’attente la plus longue… Nous avons oublié toutes les fois où nous étions dans la « bonne » file : c’est non-event. Dans une enquête, on demande quel est le pays le plus similaire à l’Allemagne de l’Ouest et l’on répond, l’Allemagne de l’Est. On demande ensuite quel est le pays le plus dissemblant à l’Allemagne de l’Ouest… l’Allemagne de l’Est. Si on doit rechercher des ressemblances, on néglige l’absence de ressemblances. Si on doit rechercher des dissemblances, on néglige l’absence de dissemblances. Vous avez réservé vos vacances à Moderato (modéré) et Extremo (superbe et dangereux)… vous avez deux minutes pour choisir : que décidez vous de réserver ? Extremo. Que décidez-vous d’annuler ? Extremo. Pourquoi choisir et éliminer Extremo ? Nous choisissons les positifs pour choisir, nous choisissons les négatifs pour exclure.
Absences au futur
L’imagination bouche les trous et omet. On oublie d’imaginer toutes les « autres choses » qui arriveraient inévitablement d’autres lorsqu’on pense à un événement précis. On imagine que les californiens sont plus heureux que les autres alors qu’ils ne le sont pas. On imagine les aveugles moins heureux que les autres alors qu’ils le ne sont pas… On imagine la Californie, les aveugles avec peu de détails sans s’apercevoir que les détails omis pourraient modifier nos conclusions du tout au tout.
Evénements à l’horizon
Un pygmée cru voir des milliers de buffles se profiler à l’horizon alors qu’il s’agissait d’un nuage d’insectes. Il éclata de rire lorsqu’on lui dit que les insectes étaient des buffles. Vues de loin les choses prennent un autre aspect. De même, les objets proches dans l’espace nous apparaissent avec plus de détails que les objets lointains, les événements proches dans le temps apparaissent avec plus de détails que les événements lointains (se marier). On pense aux événements
proches en terme de « comment » et aux événements lointains en terme de « pourquoi ».
Les ajournements sont pénibles. On préfère toucher 20 dans un an que 19 dans un an moins un jour. Et on préfère avoir 19 aujourd’hui que 20 demain ! L’avenir proche est plus net que dans un an. On est plus anxieux à l’idée de demain que dans un an. Tout à l’heure est net, demain est flou…
IV. PRESENTISME – Tendance du présent à influencer la vision sur le passé ou sur le futur
6. L’avenir, c’est tout de suite
Présentisme au passé et au futur
Les gens se trompent dans leurs souvenirs et se rappellent avoir pensé, fait et dit ce qu’ils pensent, font et disent aujourd’hui. Pour boucher les trous dans ses élaborations de hier et de demain, le cerveau utilise le « aujourd’hui ». Le passé est un mur à trous. Le futur, un trou sans murs…
On a pour son conjoint qui nous a déçus tendance à lui prêter dans nos souvenirs les sentiments que l’on éprouve aujourd’hui. Celui qui sort d’un réveillon après s’être empiffré se dit « Je ne mangerai plus jamais ! ». Il suffit d’avoir le ventre plein pour être incapable d’imaginer qu’on aura faim demain
Ressenti et préressenti
On imagine un pingouin, une image mentale. La perception visuelle (les yeux) obtient l’information à partir d’objets de la réalité et l’imagination visuelle (les yeux de l’esprit) obtient l’information à partir de la mémoire. Le processus imaginatif grâce auquel on peut imaginer un pingouin enfermé en étant dans un placard est le même qui permet d’imaginer l’avenir en étant bouclé dans le présent.
On demande « aux penseurs » de choisir entre un poster ou un tableau en prenant leur temps pour réfléchir. On demande la même chose à des « non-penseurs » qui doivent choisir immédiatement. Les « non-penseurs » qui ont « préressenti » sont plus heureux de leur choix que ne le sont les « penseurs » : les «penseurs » empêchés d’éprouver leur émotion dans le présent ont été incapables de prévoir ce qu’ils éprouveraient à l’avenir avec ce poster déco dans leur maison baroque.
Quand on demande au cerveau de regarder en même temps un objet réel et un objet imaginaire, il refuse de prêter son cortex visuel. Vous n’imaginerez pas facilement un pingouin en regardant une autruche. La politique du réel d’abord : vous ne foncerez pas à un feu rouge en pensant à un feu vert.
La politique du réel d’abord fait que le cerveau réagit au réel d’abord. On demande à un groupe installé au restaurant et à un groupe épuisé par un jogging ce qu’il leur semblerait le plus pénible : être privé de nourriture ou d’eau ? (l’eau à 61% – 96%). Le groupe jogging a pris son ressenti pour un pré-ressenti. On fait une enquête sur le bonheur en général : les gens sont plus satisfaits de leur bonheur le jour où il fait beau que celui où il fait mauvais. On impute à demain les sentiments d’aujourd’hui : un dépressif a du mal à s’imaginer heureux demain.
7. Bombes à retardement
Pensée spatiale
Nous plaçons le passé quelque part et nous plaçons le futur quelque part. Une des cruautés de la vie est que les choses merveilleuses le sont pour la première fois et l’émerveillement s’estompe avec la répétition. Pour lutter contre l’habitude, il y a deux moyens : la variété et le temps. Augmenter la durée entre chaque répétition, la variété, devient inutile et préjudiciable. Vous préférez le perdrix à l’agneau. En imaginant que la première bouchée de perdrix vous donne 50 et la première bouchée d’agneau vous donne 40, et qu’à chaque bouchée avalée vous perdez 1, vaut-il mieux prendre dix bouchées de perdrix et ensuite commencer l’agneau ou tout simplement espacer de dix minutes les bouchées de perdrix qui fait que chaque bouchée de perdrix sera toujours aussi bonne que la première ? Une bouchée de perdrix sera toujours meilleure qu’une bouchée d’agneau.
Quand le présent déteint…
Voyez la tête d’un adolescent lorsque vous lui demandez ce qu’il ressentirait si Pamela Anderson débarquait chez lui… dans 50 ans…. Proposez un spaghetti un soir à groupe affamé et un matin à groupe qui vient de terminer le pot de Nutella… Il faut corriger plus tard p.r à maintenant.
Presque rien et les comparaisons
Un mot fait horreur : réduction. Une enquête révèle que le citoyen préfère gagner 30 une année, 40 la suivante, et 50 la troisième année que 60 cette année, 50 l’année suivante et 40 pour terminer… la différence est pourtant de 30 ! On préfère diminuer son revenu global afin d’éviter une réduction !
Nous sommes prêts à traverser la ville entière pour économiser 50 sur une radio qui vaut 100 mais certainement pas pour profiter des 0,05% de remise sur une voiture qui fait plus que 50… Nous allons acheter un voyage soldé 500 qui vient de 600 et nous ne mettrons pas 400 dans un voyage qui coûtait 300 hier. On préfère faire une mauvaise affaire devenue correcte à une bonne affaire qui était exceptionnelle. Les comparaisons côte à côte : une maison moche vue après une maison horrible est beaucoup moins moche que la même maison vue avant une maison dingue.
Comparaison et présentisme
La valeur d’une chose et déterminée en fonction de sa comparaison avec une autre chose. Dans toute situation, il existe plus d’un type de comparaison. On peut accorder plus de valeur à une chose si on établit plutôt un type de comparaison qu’un autre. Par exemple, on part aux USA où on rencontre des Français de notre village si sympa dans ce pays où les Américains ne savent pas se tenir. De retour en France, ces Français « si sympa » hier sont franchement « pas »… Comparer au présent n’est pas comparer au futur. Juger Freud pour sa condescendance à l’égard des femmes ou Jefferson pour avoir eu des esclaves revient à arrêter quelqu’un aujourd’hui sans ceinture en 1923… Notre moi futur ne verra pas le monde avec nos yeux d’aujourd’hui… Notre inaptitude à nous mettre à la place de la personne qui va vivre le reste de notre vie est un problème sournois !
V. RATIONALISATION – Acte qui consiste à rendre une chose sensée
8. Un paradis sur mesure
Pendant plus d’un siècle, les psychologues ont pensé que les drames de la vie avaient un effet dévastateur sur la vie. Les événements négatifs affectent moins longtemps et moins fort qu’on ne s’y attendait. Or nous témoignons d’une surprenante capacité de résilience face au traumatisme. Les valides dépensent plus pour ne pas devenir invalides que les invalides pour redevenir valides… Quand le cerveau est libre d’interpréter un stimulus, il choisit celui qu’il souhaite. (Carré de NECKER). C’est notre esprit qui exploite naturellement l’ambiguïté des mots et des lexiques et c’est ce qui fait que nous nous pensons tous sympathiques, talentueux, impartiaux. Tomber malade, quitter la maison ont des centaines de significations possibles. On dit à un groupe qu’il va manger un choux mauvais mais bon pour la santé, et à un autre groupe qu’il va manger une bonne glace mais mauvaise pour la santé. En terme de « goût », les mangeurs de glace vont trouver que du porc en conserve ressemble plus aux choux. En terme de « diététique », les mangeurs de choux vont trouver que du porc en conserve ressemble plus à la glace. Nous sommes imbattables pour trouver une vision positive des choses qui nous appartiennent.
Cuisiner les faits… Nous sommes équipés d’un système immunitaire psychologique qui défend l’esprit contre la tristesse, comme le système immunitaire physique défend le corps. Si nous devions vivre le monde tel que nous le souhaiterions, on planerait trop pour trouver ses pantoufles, et si nous devions vivre le monde tel qu’il est, on serait trop déprimé pour sortir de son lit le matin. Le cerveau a accepté de croire ce que l’œil voit et de ne pas croire ce que l’œil dément. Ainsi, nous nous pensons excellents amants, conducteurs, cuisiniers alors que notre vie présente amant déçu, voiture cabossée, soufflés ratés… Nous cuisinons les faits. L’œil cherche ce que veut le cerveau ! Nous pouvons vivre au carrefour de la rigueur du réel et le réconfort de l’illusion.
9. Immuniser contre la réalité
On est bien souvent inconscient des raisons qui nous poussent à faire ce que l’on fait mais on en fournit dès qu’on nous pose la question.On a plus de regrets de ne pas avoir fait une chose que de ne pas l’avoir fait car il est plus facile pour notre système immunitaire psychologique de nous fabriquer une vision positive d’une action que d’une inaction. Notre inaction de ne pas avoir épousé quelqu’un nous fait imaginer que cela aurait pu être merveilleux. Si nous l’avions épousé et qu’il s’était avéré tueur à la machette, on y aurait trouvé le côté positif !On pardonne à un frère ce qu’on ne tolère pas d’un ami : on trouve une version positive des choses dont nous ne pouvons pas nous débarrasser. On change notre regard sur l’expérience.
Les événements inexpliqués ont 2 qualités qui amplifient et prolongent l’impact émotionnel : premièrement, ils nous frappent comme étant exceptionnels, deuxièmement nous ne les oublions pas, sinon ils seraient « rangés ».
VI. CORRECTIBILITE – Etat de ce qui peut être corrigé, amélioré
10. Chat échaudé
Comment éviter les erreurs sur notre chemin du bonheur ? On épouse des gens qui ressemblent bizarrement à ceux dont on a divorcé, on assiste chaque année à des réunions de familles où nous nous sommes juré de ne plus aller. Le fait que l’expérience la plus improbable (la pire fois où vous avez raté le train) devienne souvent le souvenir le plus probable (parmi toutes les fois que vous avez le train) peut anéantir notre aptitude à prévoir nos émotions futures (on a retenu la pire) : on a tendance à se rappeler les événements inhabituels, pires ou meilleurs, pas les plus probables, et à y appuyer notre raisonnement est une des raisons qui nous fait répéter si souvent nos erreurs.
Aussi la mémoire a le culte des fins : les femmes se rappellent leur accouchement comme moins douloureux qu’il n’a été, les couples qui se séparent ne se souviennent pas avoir été heureux ensemble. La fin d’une expérience a plus d’importance que la somme totale des plaisirs qu’on en tire, tant qu’on y a pas réfléchi. On surestime le bonheur qu’on éprouvera le jour de son anniversaire. On sous-estime celui qu’on ressentira lundi matin.
11. De notre reporter en direct de demain…
Comment décider si on se trompe quand on essaie d’imaginer ? Tirer parti de l’expérience des autres… Les conseils des autres sont soit des mauvais conseils que nous suivons bêtement soit des bons conseils que nous ne suivons bêtement pas ? Ainsi, les croyances se transmettent de générations à générations. Nous croyons que l’argent fait le bonheur, que faire des enfants nous rendra heureux…
Adam Smith : « Pour ce qui fait le réel bonheur de la vie humaine, les déshérités de la terre sont aussi bien lotis que les grands de ce monde. Quant au bien-être du corps et à la paix de l’esprit, le mendiant qui se chauffe au soleil sur le bord de la route possède la sécurité pour laquelle les rois se battent. » « Les plaisirs de la richesse et de la grandeur frappent l’imagination comme quelque chose de grand, beau et noble dont l’obtention mérite amplement le labeur et l’angoisse que nous sommes portés à lui consacrer».
Les trois faiblesses de l’imagination :
- Imaginer en ajoutant ou omettant des détails
- Projeter le présent dans l’avenir en bouchant les trous
- Oublier que les choses seront autres quand elles se produiront. Que les mauvaises sembleront bien meilleures ! La vitesse et la facilité avec laquelle l’humain rationalise la perte est incroyable.
Rejeter la solution
Le meilleur moyen de prévoir nos sentiments de demain serait d’examiner ceux des autres aujourd’hui. Mais la plupart des gens, vous ne savez pas que vous êtres comme la plupart des gens ! L’individu moyen ne se voit pas comme moyen. Nous nous voyons tous meilleurs que la moyenne et la partialité qui nous conduit à nous voir meilleurs que la moyenne nous conduit aussi à nous voir comme plus impartiaux. Nous nous pensons « différents ». Nous nous considérons comme uniques même quand on fait exactement la même chose que les autres. Le moi se considère comme un être très spécial : un, l’humain est le seul être qui se connaît de l’intérieur (faire l’amour et lire une scène d’amour), deux, l’humain se fait plaisir en se voyant différent et chacun prise son unicité, trois, nous pensons les gens plus différents qu’ils ne le sont et ce qui nous captive ce sont nos différences. On se concentre sur ce qui nous différencie d’un individu et non sur ce que tous partagent. Nos ressemblances sont énormes, mais ne nous intéressent guère dans la mesure où elles ne nous aident pas faire ce pour quoi nous sommes sur terre. Cette croyance dans la diversité et l’unicité des individus est la principale raison qui nous fait refuser d’utiliser autrui comme substitut. La substitution n’a d’intérêt que si l’on peut compter sur le substitut pour réagir à peu près comme nous. La substitution est un moyen efficace de prévoir nos émotions futures. Mais ignorant à quel point nous sommes tous semblables, nous la repoussons et rejetons une méthode fiable au profit d’une imagination boiteuse et faillible.
« Et si le bonheur vous tombait dessus » de Daniel Todd Gilbert m’a été conseillé par David Servan-Schreiber. Nous passons une bonne partie de notre temps à imaginer que « si…. » nous serons enfin heureux. Entrevoir un bonheur futur qui même s’il arrive ne nous rendra pas plus heureux. Notre imagination nous plongent dans les mêmes pièges liés à notre histoire et à notre culture… En fait nous sommes heureux mais nous ne le savons pas. Un bonheur de lecture !
Daniel Todd Gilbert est psychologue américain né en1957. Professeur à l’université d’Harvard, reconnu pour ses travaux en psychologie sociale. Il écrit dans le New York Times, Forbes ou le New Yorker. Son livre « Et si le Bonheur vous tombait dessus » a été un best seller mondial traduit en 30 langues. Il vit à Cambridge, Massachusetts.