Résumé du livre de Rutger Bregman « Humanité, une histoire optimiste »
« L’être humain deviendra meilleur lorsque vous lui aurez montré qui il est. » Anton Tchekhov
Mussolini, Staline, Churchill et Roosevelt avait tous lu le livre de Gustave Le Bon, « Psychologie des foules », qui expliquait dans les moindres détails comment l’homme devenait violent et bestial dans les situations d’urgence. Les britanniques se faisaient du souci… En 1939, Hitler dictait son plan d’attaque afin de déployer l’impitoyable Luftwaffe censée briser la résistance des britanniques. A partir du 7 septembre 1940, c’est le Blitz. Durant plus d’un mois, 80000 bombes s’abattirent sur Londres. Pourtant, sur les quelques mois qu’a duré le Blitz, on y décrit un calme extraordinaire. Les millions de victimes traumatisées prédits par les experts sont introuvables. Hitler n’aurait-il pas tenu compte du flegme et de l’humour pince-sans-rire des britanniques ? En 1944, en Allemagne, on constate la même chose dans les villes sinistrées en Allemagne. La production n’a jamais augmenté aussi rapidement, l’entraide n’a jamais été aussi forte et formidable.
La capacité de résilience est donc typiquement humaine !
1. Un nouveau réalisme
Ce livre porte sur une idée radicale : la plupart des gens sont des gens bien !
C’est justement lors d’évènements catastrophiques comme le naufrage du Titanic, ou du 11 septembre, que c’est ce que les gens ont de meilleur qui remonte à la surface.
Malheureusement, l’image dépeinte par les médias est invariablement l’inverse de ce qui se produit en réalité après une catastrophe. Lors de l’ouragan Katrina, la ville a été submergée par le courage et l’amour de son prochain. La presse n’a parlé que d’émeutes, de violences, de pillages, de panique… Ce que la presse a peu dit, c’est que le désastre s’est produit suite à « la panique de l’élite » qui, incapable de croire à la bonté humaine, a fait envoyer 72.000 militaires pour tirer sur la « racaille ». Comme l’élite se représente le genre humain à son image, elle veut éviter quelque chose qui ne se produit que dans son imagination et crée alors elle-même le chaos.
Certaines choses sont vraies que l’on y croient ou non. D’autres choses peuvent devenir vraies à condition d’y croire. C’est l’effet placebo selon lequel nous imaginons aller mieux après la prise d’un médicament (fictif) parce que nous y croyons. Cela marche en sens inverse aussi : c’est l’effet nocebo. Les infos et des médias nous persuadent que le monde va de plus en plus mal. C’est l’inverse qui est vrai : les chiffres des victimes de guerres, de mortalité infantile, de la faim, de crimes, du travail des enfants, de crash aériens, ont tous chutés au cours des dernières décennies. Si nous croyons l’inverse, c’est parce que nous sommes plus sensibles au négatif qu’au positif mais aussi parce que les infos amplifient les aspects catastrophiques.
Quoi qu’il en soit, ce que nous croyons, nous le devenons, ce que nous cherchons, nous le trouvons, et ce que nous prédisons finit par nous arriver. L’heure est venue de changer notre vision de l’humanité !
2. La vraie histoire de Sa Majesté des Mouches
« Sa Majesté des Mouches » écrit par William Goldwin en 1956 est devenu un classique incontournable qui s’est vendu à des dizaines de millions d’exemplaires. L’histoire : sur une île déserte de l’océan Pacifique, une vingtaine d’enfants, survivants au crash d’un avion, tentent de survivre sans adultes. Le livre décrit des enfants terrorisés par une bête qui rôderait sur l’île et qui deviennent de plus en plus agressifs, violents, cruels et « mauvais ». Selon William Goldwin, « L’homme produit le mal comme l’abeille produit le miel. » Pour le biologiste Frans de Walle : « Il n’y a pas l’ombre d’une preuve que des enfants abandonnés à eux-mêmes agiraient ainsi. »
Voici l’histoire vraie de « Sa Majesté des Mouches ». Celle de Peter Warner qui, en 1966, a réellement sauvé 6 enfants égarés sur une île et qui y sont restés plus de 15 mois. Ils ont été retrouvés heureux, débordant de santé et d’enthousiasme. C’est une histoire de loyauté et d’amitié qui dure encore de nous jours et qui nous prouve que nous pouvons nous appuyés les uns sur les autres. Une histoire vraie qui n’a rien à voir avec l’histoire fictive et nocebo de Goldwin qui veut nous persuader de la violence des humains.
PREMIERE PARTIE : L’état de nature
La question de savoir si les êtres humains sont enclins au bien ou mal existe depuis des siècles. Selon le philosophe britannique Thomas Hobbes (1588-1679), l’homme est naturellement mauvais et seule la civilisation peut le sauver de ses instincts bestiaux. Selon le philosophe genevois, Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), l’homme est profondément bon et c’est avec l’apparition de la civilisation que tout a commencé à aller de travers. Hobbes et Rousseau sont les pères respectifs des conservateurs et progressistes, des réalistes et des idéalistes. Rousseau plaide pour davantage de liberté et d’égalité, contrairement à Hobbes pour qui une telle aspiration ne peut que mener à d’avantage de violence….
3. La montée en puissance de l’Homo Mignon
Si on situe l’histoire de la vie sur Terre à une année civile, nous sommes des poussins tout juste sortis de l’œuf : l’être humain est né le 31 décembre à 23h00, l’agriculture est née à 23h58. L’homo Sapiens a conquis le monde entier en un clin d’œil. De toutes les espèces, 99,9% a disparu, y compris 5 autres espèces du genre Homo, mais nous, nous sommes toujours là. L’homme de Neandertal était extrêmement intelligent, et pourtant, il s’est fait éclipser par Sapiens. Pourquoi ? Étions-nous simplement plus méchants ?
Depuis les années 50, Lyudmilla Trut étudie les renards argentés sur plusieurs générations. A la quatrième, elle remarqua que les renards devenaient de plus en plus « mignons » : ils aboyaient de plus en plus comme des chiens, leurs museaux et leurs pattes s’affinaient, ils réagissaient de mieux en mieux à leur prénom, étaient de plus en plus calme… A la 45ième génération, indiscutablement, les renards les plus intelligents étaient les renards les plus sociables.
Pareil pour les êtres humains : les plus intelligents sont également les plus sociables. Et il n’y a pas plus sociable que l’humain. Nous sommes faits pour créer du lien avec nos semblables. Nous pouvons suivre le regard d’autrui grâce au blanc des yeux, nous sommes capables de communiquer en utilisant nos sourcils, nos émotions nous trahissent… Pas de pocker face pour nous. Comme si nous étions nés pour communiquer, apprendre, et être ensemble. Les renards se sont mis à aboyer, les humains à parler… Nous sommes à l’homme de Neandertal ce que les chiens sont aux renards.
Imaginons, deux espèces humaines. Les Géniaux, hyper intelligents et peu sociables ; un sur 10 est capable d’inventer la pèche à l’hameçon mais ils n’ont qu’un ami à qui apprendre à le faire. Les Sosots un peu bêtes et hyper sociaux ; un sur 100 est capable d’inventer la pèche à l’hameçon, mais ils ont 100 amis à qui l’apprendre. Voilà comment l’Homo Mignon a conquis le monde. Nos aïeux avaient d’un grand cercle d’amis et sociabiliser leur a permis d’apprendre plein de nouvelles choses. C’est ainsi que nous sommes devenus plus intelligents que le néandertaliens. Sans être plus méchant.
4. Le colonel Marshall et les soldats qui ne tiraient pas
Cependant… L’Homo Mignon est un être profondément paradoxal : il fait partie d’une des espèces les plus aimables du règne animal et également capable d’infliger des choses atroces à son prochain qu’on ne rencontre nulle part ailleurs dans le règne animal : les travaux forcés, les chambres à gaz, la torture… L’hormone de l’amour, l’ocytocine, augmente l’amour que nous éprouvons pour nos semblables mais également notre aversion pour les inconnus. Les nôtres d’abord !
En 1943, Samuel Marshall, colonel et historien, écrit un rapport sur la conquête de l’île de Makin au Japon. Les Japonais parviennent à franchir ligne de défense américaine alors que les soldats américains sont en nombre largement supérieur. En menant son enquête, Marshall constate que seul 20% des soldats tiraient : « L’homme ordinaire et sain d’esprit manifeste une telle résistance intérieure et généralement inconsciente à la perspective de tuer l’un de ses semblables qu’il ne lui ôtera pas la vie de son propre chef. » Comment cela était possible ? Pendant des siècles, généraux, ministres, écrivains… partaient du principe que les soldats se battaient. Or, de manière générale, les soldats n’essayent pas de tuer l’ennemi. Notre appétence pour le spectaculaire nous aurait-elle jouer des tours ?
5. La malédiction de la civilisation
A quand remontent les origines de la guerre ? Les fouilles archéologiques n’ont fournis aucune preuve d’existence de guerres avant l’apparition de l’agriculture… Rousseau avait-il raison ? L’homme était-il naturellement bon jusqu’à l’apparition de la civilisation ?
Quinze mille ans en arrière, à l’époque où s’est achevée l’ère glaciaire, la planète était peu peuplée. Les gens avaient lutté ensemble contre le froid. Lorsque le climat s’est réchauffé, les gens ont commencé à s’installer, à se reproduire, à amasser des biens. L’invention de la propriété est née et a créé un fossé entre pauvres et riches. Les premières guerres sont apparues. Fini le temps du partage de tout, de la liberté, de l’égalité et de la fraternité.
Oui, la paix, la sécurité, et le progrès ont été possible grâce à la propriété, l’agriculture et l’Etat. Et, ce système a dû être bien accueilli par nos ancêtres qui en avaient assez des famines et des guerres. Cependant, c’est précisément là, selon Rousseau, que tout a commencé à mal tourner. Les chasseurs-cueilleurs menaient un vie détendue et vivaient de ce que leur offrait la nature. Avec l’invention de l’agriculture, les paysans devaient trimer aux champs et n’avaient plus le temps pour leurs loisirs et leur vie sociale. Dès l’instant où nous nous sommes sédentarisés, les désastres se sont succédé à une cadence infernale : famine, inondation, virus… Mais alors, pourquoi avoir échangé une vie saine et décontractée pour une existence pénible en tant qu’agriculteurs. Nous étions piégés. Pour nourrir la population en augmentation, il fallut commencer à cultiver et une fois que les paysans se sont rendu compte que leur nouveau mode de vie ne leur apportait ni santé, ni joie, c’était trop tard, il y avait trop de bouches à nourrir. Les premières guerres sont nées. Les souverains sont restés en place, et ne se sont plus laisser détrônés et ont levés des armées. Les 1% se sont mis à opprimer les 99% restants. Des villages se sont soumis aux villes qui se sont soumises aux provinces… et ce fut la naissance de l’Etat, désastre ultime.
Benjamin Franklin admettait « qu’aucun européen ayant gouté à la vie sauvage ne peut ensuite supporter de vivre dans nos sociétés ». Notre vision de l’histoire est déformée : la civilisation est synonyme de paix et progrès, et la vie sauvage de guerre et déclin. En réalité, pendant la majeure partie de notre histoire, cela a été le contraire. Si l’histoire de la civilisation était ramassée sur une journée, il y aurait 23H45 de misère crasse et un dernier quart d’heure durant lequel nous avons combattu la plupart des virus, aboli l’esclavage, instauré la paix, combattu la pauvreté… Avec la crise écologique que nous vivons actuellement et qui remet en cause notre existence même, il est encore un peu tôt pour affirmer que la civilisation est une bonne idée…
6. Le mystère de l’Île de Pâques
Longtemps, l’histoire de l’Ile de Pâques semblait constituer la preuve ultime en faveur d’une vision cynique de l’humanité, dont les points communs avec notre planète Terre sont à glacer le sang. Surpopulation, déforestation, érosion des sols, surexploitation des ressources… qui ont conduit à la guerre civile, et finalement à l’effondrement des Pascuans.
En 2002, une étude contredit totalement tout ce que l’on croyait savoir sur l’île de Pâques. Le véritable fléau de l’Ile de Pâques vint de l’extérieur et non de l’intérieur. En 1862, les Pascuans virent arriver le premier navire négrier qui embarqua 2407 Pascuans, un tiers de la population. Arrivés au Pérou, les esclaves succombaient les uns après les autres et parmi les 15 survivants qui furent ramenés sur l’île, l’un d’eux ramena la variole. En 1877, il ne restait que 110 Pascuans. Ce sont les marchands d’esclaves et leurs maladies qui réussirent à ravager l’île et non l’égoïsme légendaire de ses habitants.
Trop de militants écologistes sous-estiment la résilience de l’être humain. Leur cynisme fonctionne comme une prophétie auto réalisatrice, un nocebo décourageant qui ne fera qu’accélérer le réchauffement de la planète. Le mouvement pour le climat a lui aussi besoin d’un nouveau réalisme. Les problèmes peuvent croître de façon exponentielle, comme les solutions.
DEUXIEME PARTIE : Après Auschwitz
Comment expliquer Auschwitz s’il est vrai que l’humain est bon par nature ?
7. Dans les caves de l’université de Stanford
En 1971, une des expérience les plus célèbres de l’histoire, « l’expérience de Standford » du Docteur Philip Zimbardo, qui figure dans les manuels de millions d’étudiants, démontre à quel point le bourreau qui sommeille en chacun de nous est capable de commettre les pires horreurs. Une expérience si célèbre qu’elle fait partie de la culture populaire… Plusieurs films en été tirés tant les résultats étaient choquants, inattendus, spectaculaires. Philip Zimbardo devint l’un des psychologues les plus reconnus de sa génération. En se plongeant dans les archives quelques années plus tard, il fut démontré que l’expérience était complètement truquée. Elle démontre par la même occasion… que l’on peut carrément conclure que lorsqu’on laisse des gens ordinaires tranquilles, il ne se passe rien. Pis encore, ils s’organisent en une communauté pacifiste !
8. Stanley Milgram et la machine à électrochocs
Pareil pour la très célèbre expérience de Milgram qui démontrait que lorsqu’ « un ordre est ordre », l’être humain préfère encore torturer que désobéir. En se penchant dans les archives de cette expérience, on peut conclure que Milgram, qui mourait d’envie de devenir célèbre, avait truqué son expérience pour parvenir aux résultats qu’il souhaitait. En fait, les participants avaient une très grande capacité à résister à une autorité contestable. Tous les participants s’adressaient à leur « victime » (factice), mettait le chef de l’expérience face à ses responsabilités et refusaient d’obéir si les ordres ne leurs paraissaient pas justes. Une expérience truquée et cynique qui fut bien malheureusement mieux retenue que la philosophie raffinée d’Hannah Arendt, une des plus grandes philosophes du 20ième siècle.
Hannah Arendt, d’origine juive, ayant elle-même fuit le nazisme, était une des témoins du procès d’Eichman. Elle confirme que celui-ci, -comme beaucoup d’autres – était terriblement et effroyablement normal. Elle ne croyait pas qu’un nazi sommeillait en chacun de nous mais que l’être humain est foncièrement bon et que notre besoin d’amour et d’amitié est plus humain que notre désir de haine et de violence. Eichmann n’était qu’un « suiviste » comme les autres qui croyaient se trouver du bon côté de l’Histoire.
9. La mort de Catherine Susan Genovese
En 1964, Catherine Susan Genovese meurt poignardée dans la rue où elle habitait à New York. Un meurtre qui fit une véritable tempête médiatique. Le New York Times titre en une « 37 personnes ont vu le meurtre et n’ont pas appelé la police ». Une apathie générale de la part de tout le voisinage. Un évènement dont on parle encore… Pourtant, après une enquête minutieuse, dont on entendra très peu parler, il s’avère que Catherine est morte dans les bras d’une amie, et que de nombreux habitants se plaignirent que leur déclaration à la presse n’étaient jamais parue… Le meurtrier fut arrêté 5 jours après la mort de Catherine grâce à la vigilance des voisins. Rien n’est jamais paru dans la presse ! Cette histoire nous apprend à quel point notre vision de l’humanité est déformée et comment les journalistes en mal de sensations en jouent. Mais aussi à quel point nous pouvons compter les uns sur les autres.
TROISIEME PARTIE : Pourquoi les gens bien agissent mal
Nous avons vu que la plupart des gens cherchent naturellement à s’entraider. S’il y a un groupe qui laisse pourtant à désirer, c’est celui des puissants, scientifiques, rédacteurs en chef, gouverneurs et commissaires de police…
10. Comment l’empathie nous aveugle
En 1944, à l’aube de la défaite allemande, un mystère fascinait les scientifiques. Comment expliquer les performances quasi surhumaines des soldats allemands qui se battaient du mieux qu’ils pouvaient ? Les soldats ne se battaient pas pour le Reich mais pour leurs camarades qu’ils ne voulaient pas laisser tomber. Le nazisme commence à 15 km de la ligne de front. L’amitié imprégnait chaque tranchée et chaque bunker. La camaraderie est l’arme numéro un qui permet de gagner les guerres. Ceci était valable pour tous les soldats et toutes les guerres du monde.
Cela vaut également pour les terroristes. Eux aussi nous ressemblent. Les terroristes n’ont généralement pas de pathologie mentale. Ils sont comme nous. Ils sont pour la plupart du temps gentils et sympathiques comme en témoignent les voisins après qu’ils ont commis leur affreux forfaits. Ils tuent bien moins par idéologie que par volonté de faire le bien pour les leurs. La radicalisation est un processus qui s’opère entre amis, entre « frères d’armes ». Les poseurs de bombe sont souvent frères. Les milliers de djihadistes qui se sont rendus en Syrie avaient été recrutés par des amis. Ils n’étaient pas des fanatiques religieux mais des amis intimes pour qui la religion est venue après coup.
Les enfants, dès leur plus jeune âge, manifestent une préférence pour le bien. Mais, ils sont sensibles aux différences de couleur de peau, d’apparence ou de richesse. L’empathie, notre spécialité, se limite pour les personnes proches de nous, que nous pouvons sentir, voir, entendre… Empathie et xénophobie sont les 2 faces d’une même pièce.
Si les guerres ont fait des centaines de millions de morts, c’est parce qu’on tue de loin, à distance. Les gens ont du mal à être violents envers celles et ceux qu’ils voient de près, on ne tue pas de près. C’est pourquoi, dans les armées modernes, la camaraderie a tant perdu de son importance.
Les généraux et les terroristes n’ont pas beaucoup d’efforts à faire pour contenir leur empathie pour l’adversaire : ils donnent leurs ordres à distance. Hitler, Joseph Goebbels, Ben Laden sont des manipulateurs égocentriques narcissiques. Mais comment ces personnalité parviennent-elles à se hisser au sommet, et que des êtres qui rougissent acceptent d’être dirigés par des personnes qui n’ont honte de rien ?
11. Comment le pouvoir corrompt
En 1513, sortait une des œuvres les plus influentes de l’histoire de l’Occident, encore aujourd’hui en librairie au rayon des meilleurs ventes. « Le Prince » de Machiavel qui écrit : « Qui veut le pouvoir doit s’en saisir. Il ne fait pas avoir de scrupules. Ni principes, ni morale, la fin justifie les moyens. Si on se laisse faire, on se fait laminer par les autres. »
Le professeur Dacher Keltner, spécialiste incontesté en matière de machiavélisme appliqué, développa une fascination pour la psychologie du pouvoir. Ce sont les personnes les plus aimables et les plus empathiques qui deviennent leaders. Mais une fois qu’ils ont le pouvoir, les leaders deviennent plus impulsifs, plus égoïstes, plus arrogants, plus narcissiques, plus grossiers, moins attentifs aux autres, et ne rougissent pas. Les puissants cessent de fonctionner en miroir : ils ne sont plus reliés aux autres et se sentent supérieurs aux autres qu’ils traitent comme s’ils étaient bêtes. L’empathie n’est plus nécessaire car on peut ignorer une personne pénible.
Pendant des millénaires, nous nous étions donnés pour chefs les gens les plus sympathiques. Avec l’avènement de la sédentarité et la croissance des inégalités, les puissants ont dû expliquer pourquoi ils avaient plus de privilèges que leurs sujets. Ils ont inventé la propagande et sont proclamé les élus des dieux ou dieu même. Les mythes nous appris à coopérer à très grande échelle avec des millions d’inconnus. Les religions, les États, les entreprises, les pays n’existent que dans notre imagination. Dieu permettait aux seigneurs d’avoir les masses à l’œil. Les puissants avec la menace de leurs armées à leur disposition, étaient devenus très difficiles à renverser. La plupart des révolutions échouent et si un despote est renversé, il est remplacé par un autre qui nous déçoit tout autant. L’atout suprême des puissants est qu’ils n’ont honte de rien, ne rougissent de rien, contrairement à la plupart des gens qui préféreraient disparaître sous terre en prenant le dernier biscuit sur un plateau.
12. L’erreur des lumières
Les philosophes des lumières croyaient en la force de l’esprit, la raison. Les Lumières ont été un succès retentissant pour notre espèce : le capitalisme, la démocratie, l’Etat de droit et la bureaucratie a rendu notre monde plus riche, plus sûr et en meilleure santé que jamais. Et la religion a revêtu un visage plus aimable. Mais la grande erreur de l’époque des Lumières, c’est qu’elle est partie du principe que l’homme est profondément égoïste. En se persuadant que la politique était un petit jeu cynique, les politiques l’on rendue telle. Si cette époque s’était appuyée sur une autre conception de l’humanité, sur ce que l’humain a de bon, l’histoire aurait été bien différente.
QUATRIEME PARTIE : Un nouveau réalisme
« Nous devons être idéaliste, car ainsi nous nous retrouvons à être les vrais réalistes. » Victor Frankl
Bob Rosenthal fit la découverte de l’«effet Pygmalion » selon lequel, une attente produit des effets sur les autres. Il sépara un même nombre de rats au hasard en 2 cages : l’une, celle des rats « intelligents », et l’autre, celle des rats « bêtes ». Les rats intelligents furent traités par les étudiants avec beaucoup plus de délicatesse et d’attention, et les rats augmentèrent considérablement leurs performances. À l’inverse, les rats « bêtes » étaient laissés pour compte et devenaient mous, lents. C’est pareil pour les humains. Les attentes que nous portons sur les autres sont une arme redoutable : plus les managers attendent de leurs employés, plus ils seront productifs. Moins ils mettent d’attentes sur d’autres employés, celles-ci se sentent négligées et perdent espoir. C’est l’effet Golem, un sorte de nocebo.
Ainsi, les êtres humains sont des êtres miroirs. Prenons l’exemple du binge-drinking. La majorité des étudiants pris individuellement, n’y sont pas favorables. Mais comme ils pensent que les autres étudiants trouvent ça tendance, ils se retrouvent quand même à vomir dans le caniveau. Une telle spirale négative peut mener au pire : au racisme, au viols collectifs, au soutien aux terroristes, … Les auteurs de ces crimes les réprouvent en leur for intérieur, mais ils craignent d’être les seuls. Nous faisons des suppositions erronées sur ce que pensent les autres et nous tournons en rond.
Si la haine est contagieuse, la confiance l’est aussi. Cette confiance peut partir d’une seule personne qui a la volonté de croire, de réinventer le monde et qui ose aller à contresens.
13. La force de la motivation intrinsèque
Jos De Block cru à une blague lorsqu’il se vu attribué la médaille Albert de la Royal Society of Arts en novembre 2014, accordée auparavant à Stephen Hawking. Ses idées sont ultra révolutionnaires !
Jos de Block, ancien infirmier, a créé Buurtzorg, en 2006, une société néerlandaise de soins infirmiers à domicile. L’entreprise repose sur des équipes de soins de proximité, composées de cinq à douze infirmiers, sur un territoire donné. Il en existe environ 4 000 aux Pays-Bas. Le territoire compte entre quinze et vingt mille personnes, et chaque équipe prend en charge quarante à soixante patients. Les équipes sont en autonomie totale et sont invitées à partager leurs conseils aux autres via l’intranet de l’entreprise. Pas de managers, de service marketing… : l’entreprise repose sur l’auto-gouvernance et la responsabilité des employés. Par rapport au système précédent où le personnel de santé devait effectuer des actes chronométrés générateurs d’anxiété et sans possibilité de dialogue, Buurtzorg s’est imposée et contrôle en 2018 70 % des soins à domicile. Les plus ravis, sont les malades qui se retrouvent face à de vrais soignants qui prennent leur temps et les écoutent. Jos de Block croit que l’homme est bon et a compris qu’en traitant ses employés comme des personnes responsables et fiables, ils se comportent comme tels. Et rien de plus puissant que des gens qui font ce qu’ils font parce qu’ils ont envie de le faire.
14. L’homo Ludens
Fonder une société sur la confiance devrait commencer par les enfants. Pendant la majeur partie de notre histoire, les enfants ont pu jouer ensemble tout leur soûl. Ils apprenaient la coopération. Avec l’émergence de la civilisation, la culture du jeu a complètement changé. L’Etat avait besoin de soldats et les êtres humains avaient besoin de gagner de l’argent, et la compétition s’est avérée nécessaire. Aujourd’hui, nos enfants, dès leur plus jeune âge, sont surchargés d’activités par les adultes (devoir, musique, sport, karaté…) au détriment du jeu, de la créativité, de la liberté de suivre leur propre curiosité. Les enfants turbulents, en manque de jeu et d’activités ludiques, ne sont plus battus mais drogués à la Ritaline pour tenir le cap et emmagasiner le plus de connaissances possible afin de trouver plus tard un emploi bien payé. Les jeunes apprennent à se fondre dans une course sans fin ou le succès se mesure en fonction de leur CV et leur salaire.
Au Danemark, le paysagiste Theodor Sorensen a développé un nouveau concept : des aires de jeux sans équipements, sans règles de sécurité où les enfants pouvaient démolir, piocher, grimper aux arbre, faire du feu, creuser, construire, rêver, imaginer… Là où les adultes voient un fatras d’ordures, les enfants ne veulent pas s’ennuyer et voient un tas de possibilités.
Sjef Drummen, directeur d’une école en Hollande à Roermond, a créé Agora, une école sans locaux, sans devoirs, sans notes, sans matières, sans horaires stricts, sans structures hiérarchiques, sans cloisons. Les enfants se sont mis à vivre la vraie vie et à concevoir leur propres programmes. Pas de harcèlement ou pas de violence entre les enfants qui se corrigent gentiment les uns les autres, en créant ensemble avec originalité dans un climat de fraternité exceptionnel. Des coaches sont là pour stimuler, encourager, accompagner. Agora prépare les gens à une autre sorte de société. Car jusqu’à aujourd’hui, « l’école est l’agence de pub qui nous fait croire que nous avons besoin de la société telle qu’elle est ». Aujourd’hui, dans les banques, les cabinets d’avocats, les agences de pub, bien des personnes talentueuses doutent de l’utilité de leur travail et se demandent ce qu’elles font là. Notre plus grand déficit ne se trouve pas dans le budget de l’état, mais en nous. C’est un déficit de sens.
15. Voilà à quoi ressemble une vraie démocratie
Dans le monde entier, nos démocraties sont menacées. Les partis s’effritent, les citoyens ne se font plus confiance, les minorités sont exclues, l’électorat se désintéresse, les politiciens sont corrompus, les riches éludent l’impôt.
À Torres, au Mexique, on a trouvé une solution a tous ces problèmes et elle fonctionne. Elle s’appuie sur une vision positive de l’humanité. Le maire, Chavez, a décidé de céder le pouvoir aux habitants. Les citoyens eux-mêmes choisissent comment dépenser le budget de la commune. En 2016, cette forme de « budget participatif » avait déjà été imitée et mise en place dans plus de 1500 villes. Cette nouvelle formule est révolutionnaire : elle a permis aux citoyens de s’impliquer, d’instaurer un climat de confiance dans la politique en favorisant la transparence et la solidarité, d’inclure tout le monde, d’encourage la citoyenneté, et de permettre l’ascension sociale par une distribution juste entre les différentes couches sociales. La démocratie participative permet aux citoyens d’avancer main dans la main avec une base sociale solide. Il s’agit d’une société dans laquelle nous aurions tous part. Pourtant, on n’a quasiment jamais parlé dans la presse de ce fantastique mouvement, un des plus importants du XXIème siècle qui apporte toutes les réponses aux problèmes des démocraties actuelles.
CINQUIEME PARTIE : L’autre joue
Si nous saluons seulement vos frères, que faisons-nous d’extraordinaire ? Serions-nous capables d’aller un cran plus loin ?
16. Prendre le thé avec des terroristes
En Norvège, il existe une des prisons les bizarres au monde entourée d’un haut mur d’acier mais à l’intérieur, pas de barreaux, pas de cellules. Les surveillants ne portent ni armes, ni d’uniformes. Ils parlent aux détenus, mangent avec eux, jouent au foot avec eux. Il y a une bibliothèque, une église, un supermarché, un cinéma. Les détenus, sont juste tenus de faire tourner la communauté, et sont traités comme des humains et, du coup, se comportent comme tel. Si la méthode norvégienne est plus onéreuse au départ, elle est plus efficace. Dans ce genre de prisons, le taux de récidive se situe parmi les plus bas car les détenus apprennent à reprendre la bonne trajectoire de leur vie et peuvent retrouver du travail plus facilement. Enfermer des pans entiers de population est un mauvais investissement.
Pourrions-nous tendre la joue encore un cran plus loin ? Au Danemark, en 2013, la municipalité d’Aarhus a décidé de na pas arrêter les jeunes musulmans qui voulaient se rendre en Syrie. La municipalité a choisi d’offrir un tasse de thé afin de montrer aux adolescents qu’il y avait des gens qui les aiment. La police a resserré ses liens avec la mosquée locale. Plus de démocratie, d’ouverture et d’humanité, et cela marche !
17. Le meilleur remède contre la haine, le racisme et les préjugés
Après 27 ans de prison, Nelson Mandela fis ses premiers pas d’homme libre ne 1990. Il est élu premier président noir d’Afrique du Sud en 1994 et voulait une transition pacifique de l’apartheid à la démocratie, sinon c’était la guerre civile. Nelson Mandela avait compris la force de la rencontre était bien plus efficace que la résistance armée. Si les Noirs et les Blancs se rencontraient à l’école, au travail à l’église, ils apprendraient à mieux se connaître. Et connaître, c’est aimé. Les gens qui vivaient les uns à côté des autres se protégeaient mutuellement. Le contact mène à davantage de confiance, de fraternité et d’entraide. Il aide à voir le monde avec les yeux d’autrui et peut transformer une personne. En outre, le contact, est contagieux : quand on voit que son voisin a de bonnes relations avec les autres, on commence à remettre ses propres préjugés en question.
18. Quand les soldats sortaient des tranchées
À Noel 1914, 1.000.000 de soldats avaient déjà trouvé la mort. La lutte était devenue une boucherie dénuée de sens. À la veille de Noël, dans les tranchées, des milliers de soldats allemands et britanniques prennent conscience qu’ils appartenaient à un tout, en tant qu’êtres humains, en tant que frères. Le soir de Noel, Allemands et britanniques fraternisèrent et s’échangèrent leur adresse, les uns comme les autres, stupéfaits de découvrir combien leur adversaire était gentil, contrairement à ce qui avait été dépeint par leurs journaux respectifs. Une compréhension mutuelle naissait dans les tranchées. « De telles choses ne devraient pas se produire en temps de guerre », vociférait Hitler. Pour des milliers de soldats, si cela n’avait tenu qu’à eux, la guerre aurait été terminée dès le jour de Noel 1914.
À notre époque, qu’est ce qui nous empêche de sortir de nos tranchées ? La haine est infectée dans la société via les Tweets, les journaux, les réseaux sociaux qui nous convainquent qu’une petite minorité haineuse est représentative du reste de l’humanité.
Sortons de nos tranchées pour réaliser que les plus belles choses dans la vie sont celles dont on reçoit davantage à mesure qu’on les donne : la confiance, l’amitié, la paix. En passant à une vision de l’humanité, celle où nous acceptons de croire que la plupart des gens sont des gens bien, nous pouvons mener une tout autre vie. La construction d’un monde meilleur commence par nous-mêmes, non pas par soi-même dans son coin.
EPILOGUE : Les 10 préceptes
1. En cas de doute, partez du principe que l’autre vous veut du bien. Vous n’avez rien à perdre. Et dans la plupart des cas, vous aurez bien raison, car la plupart des gens sont des gens bien.
2. Pensez en termes de scénarios gagnant-gagnant.
3. Changez le monde : posez une question, n’interprétez pas. « Ne fais pas aux autres ce que tu voudrais qu’ils te fassent : leurs goûts peuvent être différents. » disait Bernard Shaw
4. Tempérez votre empathie et entraînez plutôt votre compassion. L’empathie exténue, la compassion donne de l’énergie.
5. Tâchez de comprendre autrui même si vous n’y comprenez rien. Ces gens qui ont le courage de casser l’ambiance ou qui posent des questions difficiles, vous aident à aller de l’avant.
6. Aimez vos proches comme les autres eux aussi aiment leurs proches. Les étrangers ont tout autant des êtres humains.
7. Évitez les infos.
8. Ne frappez pas les nazis. Tendez la main à votre pire ennemi.
9. Sortez du placard. N’ayez pas honte de faire le bien. C’est contagieux.
10. Soyez réaliste en laissant place à un nouveau réalisme.
Laurence de Vestel, Février 2021 – © Oltome.com
« Humanité, une histoire optimiste« , un livre à mettre entre toutes les mains ! Génial ! Rutger Bregman, ce jeune hollandais, ose aller à contre courant des prophètes de malheur en prétendant que la plupart des gens sont des gens bien. C’est scientifique, nous sommes l’espèce la plus aimable du règne animal. En ces temps de catastrophisme ambiant, un livre salutaire qui fait du bien ! Rutger Bregman nous démontre qu’en étant un plus idéaliste en mettant la bonté des être humains en avant, nous pouvons laisser place à un nouveau réalisme. Ce qui permettrait deréinventer un magnifique avenir.
Rutger Bregman déplore la vision cynique et négative de l’humanité, perçue comme mauvaise par nature, très ancrée dans la pensée occidentale. L’idée selon laquelle l’homme serait naturellement bon, angoisse les puissants depuis des siècles. Une idée que les religions et les idéologies ont combattue. Une idée dont les médias parlent rarement et que l’histoire semble sans cesse réfuter. Si nous avions le courage de la prendre au sérieux, l’idée que les hommes sont bons pourrait devenir un remède qui change la vie !
Captivant et inspirant, formidable succès partout dans le monde, Humanité ouvre avec humour, sérieux et pédagogie de nouveaux horizons. Et si un livre pouvait changer le monde ? Yuval Noah Harari ne tarit pas d’éloges concernant ce livre « qui m’a fait voir l’humanité sous un autre un jour ». Bref… à lire urgemment.