"Si vous possédez une bibliothèque et un jardin, vous avez tout ce qu'il vous faut." Ciceron

Humus

Synthèse & résumé À propos du livre Biographie de l'auteur

Le roman de Gaspar Koenig raconte l’histoire de deux étudiants en agronomie, Kevin et Arthur, angoissés comme toute leur génération par la crise écologique. Kevin et Arthur refusent le défaitisme et se mettent en tête de changer le monde grâce aux vers de terre. Kevin lance une start-up de vermicompostage. Arthur tente de régénérer le champ familial ruiné par les pesticides de son grand-père.  Ils ne refaisaient pas le monde, comme les générations précédentes.  Ils le regardaient se défaire et tentaient de se trouver un rôle dans l’effondrement à venir….

« Ver de terre, d’abord, ce n’est pas très gentil comme nom, c’est fait pour blesser. Il vaut mieux parler de lombrics pour leur redonner un peu de dignité scientifique. Et ces lombrics représentent la première biomasse animale terrestre. Autrement dit, si on les met tous sur une balance, ils pèseront plus lourd, et de loin, que les Homo sapiens, les éléphants et les fourmis réunis. Pour donner un ordre de grandeur, il y en a entre une et trois tonnes à l’hectare, en tout cas dans les sols où l’homme n’a pas posé ces sales pattes. »

« Autrefois, une des terres les plus fertiles de France, le plateau de Saclay avait été transformé en désert fonctionnel, une interminable zone commerciale où les enseignes auraient été remplacées par « polytechnique », « Telecom », ou « École normale supérieure ». On prétendait y rassembler les meilleurs cerveaux de France, étudiants comme chercheurs. Mais que devient un cerveau prisonnier d’un espace impeccablement géométrique, aveuglé par les néons blafards des couloirs, immergé dans une forêt de grues ? Une super machine, atrophiée, prête à se reproduire avec d’autres machines pour concevoir un monde de super machines. »… Ils ont dû en tuer des vers de terre pour construire ce campus !

« Ce sont les lombrics qui assurent l’essentiel de la vie du sol. Grâce à leur incessante digestion, qui leur permet d’ingérer chaque jour l’équivalent de leur propre poids, ils décomposent les matières organiques en éléments biogènes qui pourront ensuite alimenter les plantes. On estime que les lombrics avalent et rejettent chaque année 300 tonnes hectares. Oui, 300 tonnes ! En fait la terre sur laquelle vous marchez, la terre qui nous donne à manger, c’est en bonne partie du lombrimix, c’est-à-dire du caca de ver de terre. Voilà pourquoi le Grand Charles Darwin estimait que notre lombric est l’animal le plus important de l’évolution naturel. Sans lui, tout s’écroule. »

« Labour profond et épandage de pesticides ont décimé la population lombrisienne dans la plupart des cultures, la réduisant à quelques dizaines de kilos par hectare. Le sol devient alors hors-sol… D’où les glissements de terrain, l’épuisement de nappes phréatiques, et bien sûr l’appauvrissement vertigineux des écosystèmes… Sans vers de terre, plus de terre. Ce n’est pas un hasard c’est l’astrophysicien Hubert Reeves explique que la disparation du ver de terre est au moins aussi préoccupante que la fonte des glaciers… »

« Le ver de terre pourrait devenir notre meilleur allié. Il est d’abord possible de les introduire dans le sol par inoculation. Ou par le processus du vermicompostage, qui consiste à nourrir une colonie de lombrics avec nos rebuts de matière organique, du carton aux épluchures de patates : quelques mois plus tard, les voilà transformés en vermicompost fin et inodore, une poudre noire prête à l’emploi pour engraisser les plantes en pot comme les cultures en champs. »… Trop simple pour être vrai… personne ne le croyait.

« Qu’est-ce que l’Homme ? Rien d’autre que de l’humus.  Voilà pourquoi c’est l’humus qui sauvera l’Homme. »

« Le vermicomposteur est composé de plusieurs boites. On place un premier bac collecteur avec les vers et les biodéchets. On referme, et on continue à l’alimenter régulièrement. Quand le bac est plein, on en place un deuxième par-dessus, percé de trous afin que les vers du dessous puissent y accéder d’eux-mêmes. Et ainsi de suite. Au bout de quelques mois, le premier bac est rempli du meilleur engrais possible, du terreau noir et fin : on retire le bac, on le vide, et il est tout prêt à revenir sur le dessus. Les déchets deviennent donc du terreau (marc de café, coquilles d’œuf, épluchures de légumes et de fruits, les papiers sans encre, cheveux, …). »

« Comment l’être humain, avec son cerveau infiniment plus performant que les pauvres ganglions cérébroïde du lombric, avait-il pu être assez stupide pour annihiler, en les broyant et les affamant, des milliards de milliards de vers de terre au cours des dernières décennies ? Dans quelques muette souffrance, blessés, exsangues, étaient-ils morts ? On découvre à présent un crime dont l’ampleur donne le vertige et dont l’impunité reste effarante. Un véritable écocide : la destruction irrémédiable dans un écosystème par la main de l’homme. »

« Paul Éluard disait la terre est bleue comme une orange. Notre siècle lui donne raison. L’homme a pelé la terre comme on pèle une orange. Il en a ôté le zeste. Ne reste plus qu’un caillou aux reflets d’argent. Évidemment, pour cacher cette faute immense, on maintient l’illusion en déversant des engrais tous les ans et en faisant pousser des maïs OGM. Les citadins passent en voiture et voient des champs qui ondulent sous le vent, ils sont contents. Les agris nourrissent le monde, ils sont contents. Les rendements baissent un peu ? On remet un coup de pulvé. Et puis un jour, dans quelques années, il n’y aura plus assez de pétrole pour toute leur chimie. Alors on découvrira qu’il n’y a plus de terre. Les rendements, ces chers rendements, qui étaient censés croître à l’infini, ne vont pas baisser : ils vont s’écrouler. Rien, zéro quintal à l’hectare.  Le roi est nu. Qui vont-ils nourrir avec ce sol dur comme du béton ? Personne. Ils diront : et si on remettait des vers de terre là-dedans ? Bon courage, les amis. Les lombrics n’aiment pas qu’on les bouscule, voyez-vous. Le temps de les convaincre, ce sera la famine. L’apocalypse alimentaire. Le changement climatique, les raz de marée, les sècheresses et les inondations, c’est un amuse-bouche, ça ne touche pas à l’essentiel. Ce qui fait notre humanité, ce n’est pas la température. C’est le sol. Imaginer un été où les céréales refusent de pousser. Ou les graines restent toute ratatinées dans le bunker qu’on appelle encore un champ. Juste un été. Les vaches, moutons, poules, toute notre viande sur pied sera la première sacrifiée. Menu végétarien pour tout le monde. Grondement du peuple. On videra des sylos pour faire du pain. Quand les réserves seront épuisées, émeute. Resteront encore quelques légumes sous terre : on s’entretuera pour un poireau. Imaginer l’hiver suivant, quand les nappes phréatiques cesseront de se remplir, l’eau de pluie ne s’écoulant plus à travers une terre devenu minérale. On ouvre le robinet : plus rien. On va voir le voisin : rien non plus, c’est bizarre. On attend une journée. Pas deux. Les villes se dépeupleront en quelques heures dans un chaos indescriptible. Il n’y aura plus personne pour entretenir les réseaux, le téléphone, l’Internet et l’électricité. La planète plongera dans le noir. Les maîtres du monde, ceux qui possèdent un potager et un puit, repousseront les hordes chapardeuses de cadres, d’ingénieurs, d’ouvriers chassés des villes. »

« Humusation. C’est la transformation du cadavre en humus. Revêtus d’un linceul biodégradable, le corps est déposé à même le sol puis recouvert d’un tumulus de matières végétales savamment dosés. Bactéries et champignons se régalent pendant plusieurs mois, accélérant la décomposition des chairs. À mi-parcours, un croque-mort New Age vient récupérer et broyer les os. Au bout d’un an ne subsiste qu’une petite butte noire et humide, seule trace d’une existence dérisoire. Les héritiers récupèrent quelques mètres cubes d’excellent engrais qu’ils peuvent répandre où ils le souhaitent, pour le plus grand bonheur des vers de terre.  Ainsi l’homme, plutôt que de s’échiner en vain à monter au ciel, peut-il paisiblement retourner à la terre, suivant le chemin de milliards de créatures chaque jour, et fournir à la nature de quoi poursuivre son improbable aventure dans un coin de notre galaxie. » 

« Ainsi au décès de celui qui choisira de s’humusiner, on mettra dans le terreau qu’il est devenu, un jeune arbre. Tout le monde se réunira autour de l’arbrisseau qui se tenait droit, se préparant fièrement à sa nouvelle existence. Ses radicelles s’accrocheront à la terre. Puis l’échange se mettra en place. L’arbre fournira au sol de l’hydrogène et du sucre et en retirera l’azote et les nutriments nécessaires à sa longue croissance. Ses racines se nourriront des champignons et d’insectes minuscules que le défunt sera devenu. « Souviens-toi que tu es né poussière et que tu redeviendras » poussière. » Cet arbre vivra plus longtemps que nous, que nos enfants et nos arrière-petits-enfants. Le défunt est bien mieux là que sous une dalle de granit. Relié au monde par les ondes et la lumière, le défunt connaîtra ainsi les mutations d’Homo sapiens. Tous passeront tour à tour à ses pieds, les guerriers surarmés protégeant l’eau et le grain, … Lorsqu’il sera vieux, il sera un jour déraciné par un coup de vent, se couchera sur le sol et redeviendra humus. »

Personnellement, je trouve que ce roman est essentiel.  De plus en plus de personnes se rendent compte de l’importance du ver de terre, très bien expliquée dans ce roman.  Nous devrions tous prendre conscience que sans vers de terre, des sols morts et sans sols vivants, plus de nourriture ni pour nous ni pour les animaux, ni pour nous.  Cela risque d’être  la fin de l’humanité sans eux.  Et on peut comprendre que des personnes risquent leur vie en se mettant en grève de la faim pour qu’une autoroute inutile à notre survie se construise… Roman très très bien construit et indispensable ! Déconseillé pour ceux qui préfèrent garder leurs lunettes roses…

Oltome - Gaspard Koenig

Gaspard Koenig, est philosophe, romancier, essayiste, et homme politique français, né le 3 décembre 1982. Il est l’auteur d'une quinzaine d'essais et romans et à lancé en 2021, le mouvement politique baptisé « Simple », ayant pour objectif de diviser par cent le nombre de normes législatives et réglementaires. Très impliqué en politique, en janvier 2022, il a annoncé être candidat à la présidentielle mais n'a pas obtenu suffisamment de parrainages.

Son livre "Humus" est paru au Editions de l'Observatoire en 2023 et a gagné le prix Jean Giono.

Elephant Oltome

Inscrivez-vous à notre newsletter