Irvin Yalom utilise son expérience professionnelle de psychiatre pour imaginer le monde intérieur de ses personnages de fiction élaborés à partir de véridiques éléments historiques et littéraires.
Nous rencontrons Baruch Spinoza, célèbre penseur hollandais, précurseur des Lumières et Alfred Rosenberg, dignitaire et pseudo intellectuel nazi, jugé et condamné à mort au procès de Nüremberg. Les deux personnages ayant réellement existé se retrouvent étroitement liés à 3 siècles d’écart.
Baruch Spinoza (1632-1677), est issu d’une famille d’origine juive marrane espagnole qui a dû fuir le Portugal en raison des persécutions de l’Inquisition et qui s’est finalement réfugiée à Amsterdam. Dès son plus jeune âge, Baruch Spinoza, rejette les superstitions, les dogmes et les rites, la croyance dans l’au-delà, et l’existence de toute divinité distincte de la « nature ». Il démontre par l’analyse critique de son contenu que la Bible est un texte tardif rédigé par les prêtres.
En 1656, Baruch Spinoza est frappé par un « herem »de la part de l’entièreté de la communauté juive. Ce qui signifie l’excommunion pour cause d’hérésie, de façon radicale et violente, chose rare à l’époque. Spinoza a 24 ans et se retrouve également bannit par sa propre famille. Il décide de vivre alors en dehors de toute religion et professe que seule une éthique rationnelle non religieuse peut mener l’homme à la liberté. Au plan politique, Spinoza développe une théorie de la liberté. Les religions doivent être soumises aux lois communes et l’Etat doit protéger la liberté de penser et d’opinion en vue de la paix civile. Telle est la condition pour dépasser les conflits et en finir avec les guerres de religions. On peut le considérer comme le fondateur de la laïcité.
Spinoza est le philosophe du bonheur qui cherchera toute sa vie comment atteindre « l’ataraxie », cette « tranquillité de l’âme » résultant de la modération et de l’harmonie de l’exsitence, cette profonde quiétude, qu’il admirait chez Épicure.
Spinoza meurt à 44 ans à La Haye. Il laisse une magnifique bibliothèque riche d’œuvres latines…
D’où « Le problème Spinoza »…
Trois siècles plus tard, en mai 1940, les troupes nazies d’Hitler envahissent les Pays-Bas. A la tête du corps expéditionnaire chargé du pillage, le Reichsleiter Rosenberg se rue à Amsterdam pour y confisquer la bibliothèque de Spinoza conservée dans la maison de Rijnsburg. Fasciné par Spinoza, Rosenberg veut détruire l’œuvre du philosophe juif car elle met sans doute en péril ses convictions antisémites. Effrayé par la violence des conceptions de Rosenberg, son professeur lui donne un devoir : celui de reprendre l’autobiographie de Goethe qui lui-même s’est inspiré fortement de Spinoza. Rosenberg est hanté par Spinoza. Il ne comprend pas ou ne veut pas comprendre l’universalité humaine. Souffrant de graves troubles psychologique, Rosenberg tente une psychanalyse mais son analyste, disciple de l’école freudienne, échoue également à faire comprendre à Rosenberg que son sentiment d’exclusion et d’être mal aimé vient notamment de son désintérêt pour autrui. Rosenberg, sera hospitalisé pour une grave dépression et par la suite il sera complètement sous la domination d’Hitler, sur lequel il exercera une influence considérable, tout en quémandant les moindres signes de reconnaissance et d’affection.
Fascinante rencontre entre la philosophie et la psychanalyse…
CITATIONS
Lorsqu’on ne parle pas de l’essentiel rien d’autre ne peut être dit d’important.
La force d’une conviction est sans rapport avec sa véracité.
J’use du terme Nature » dans un sens particulier. Je ne désigne pas par ce mot les arbres ou les forêts, l’herbe ou l’océan, ni tout ce qui n’est pas produit par la main de l’homme. Je désigne par ce mot tout ce qui existe : le nécessaire absolu, l’unité parfaite. Par « Nature », je fais référence à ce qui est infini, unifié, parfait, rationnel et logique. C’est la cause immanente de toutes choses. Et tout ce qui existe, sans exception, se conforme aux lois de la Nature. Donc quand je parle de l’amour de la Nature, je ne parle pas de l’amour que vous portez à votre femme ou à votre enfant. Je parle d’une autre sorte d’amour, d’un amour intellectuel.
Plus on possède, plus on veut posséder et plus profonde est la tristesse quand nos désirs restent insatisfaits.
Pourtant c’est la chute des grands qui a toujours galvanisé les foules : l’envers sombre de l’admiration est l’envie. S’y rajoute la conscience de sa propre banalité.
Ecoutez-moi, les garçons : si c’est le bonheur que vous cherchez, ne vous gâchez pas la vie en vous battant pour ce dont vous n’avez pas vraiment besoin.
L’état de non-être d’après la mort est identique à l’état de non-être d’avant la naissance
Je crois que plus on en saura, et moins il y aura de choses connues de Dieu seul. Autrement dit, plus grande est l’ignorance, et plus on attribue de choses à Dieu.
André Gide ne voyait-il pas « le roman comme de l’histoire qui aurait pu être, l’histoire comme un roman qui avait eu lieu » ?
Nous savons que la raison n’est pas de taille à lutter contre la passion. (…) Seule une émotion plus forte est capable de vaincre une autre émotion.
Laurence de Vestel, aout 2018 – ©Oltome.com
Si vous avez aimé, comme moi, les livres d’Irvin Yalom, ne manquez pas : Et Nietzsche a pleuré (1991), Mensonges sur le divan (1996), La Méthode Schopenhauer (2005), Le problème Spinoza (2012), Créatures d’un jour (2015). Et si vous aimez Spinoza, ne manquez pas « Le miracle Spinoza » de Frédéric Lenoir.
« Le problème Spinoza » est un des meilleurs livres d’Irvin Yalom… Irvin Yalom mêle à merveille ses talents d’écrivain et son expérience professionnelle de psychiatre. A partir de véridiques éléments historiques et littéraires, il invente un monde intérieur avec une fiction finement élaborée. Il nous fait rentrer dans le monde de Spinoza, le célèbre penseur hollandais qui inventé l’éthique de la joie. Nous y côtoyons Alfred Rosenberg, dignitaire et pseudo intellectuel nazi, jugé et condamné à mort au procès de Nüremberg. Les deux personnages ayant réellement existé se retrouvent étroitement liés à 3 siècles d’écart. « Le problème Spinoza » est un super livre !
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