David Servan-Schreiber est né le 21 avril 1961. Il est le premier fils de Sabine Becq de Fouquières et de Jean-Jacques Servan-Schreiber. Jean-Jacques Servan-Schreiber avait créé l’Express en 1953 avec Françoise Giroud, sa maîtresse. En 1960, il divorce de sa première épouse, Madeleine Chapsal et quitte Françoise Giroud pour épouser Sabine. Huit ans après, David est l’ainé de leurs quatre fils : Emile, Franklin et Edouard.
Jean-Jacques, chef de clan, va façonner ses fils, en faire des hommes courageux, sportifs, cultivés et ambitieux. « Dressés comme des chevaux de course » dira une amie de la famille. Cette éducation a un but : leur offrir un destin et la possibilité de changer le monde. Jean-Jacques pousse ses enfants au-delà du raisonnable. Il oblige ses fils à affronter la peur pour leur apprendre à la dominer.
Cet homme brillant et sûr de lui emporte la députation de Nancy en 1970 haut la main. Jean-Jacques, grâce au nom prestigieux de sa famille et son charisme, se vend comme une marque, avec déluge de meeting où il apparaît, à l’image des Kennedy, avec son épouse et ses 4 fils. La famille passe ses vacances en Normandie, à Veulettes où tous les cousins ont l’habitude de se retrouver.
La pression scolaire exercée sur David par son père, sa mère et sa grand-mère est énorme. « J’ai appris très tôt à donner ce qu’on attendait d’un premier né, écrit-il. Pas de colère jamais d’éclat. Mais de l’application, de la discipline, et le soin des apparences. Je crois que j’ai bien rempli mon rôle en étouffant mes émotions pour garder ma place. » Selon un cousin, David était piégé dans un délire familial qui voulait faire de lui un prodige. Il devait être le meilleur en tout pour imprimer sa marque sur le monde.
David était pris entre deux désirs : plaire à son père et se destiner à la vie publique ou suivre le rêve de sa grand-mère et devenir médecin. Dans un petit film de famille, un journaliste demande à David, environ six ans, « « David, quand tu seras grand, tu voudrais faire de la politique comme Papa ? ». David répond un peu gêné : « Non, je préfère être docteur, des choses comme ça. » A 15 ans, sa rencontre avec le médecin qui le soigne sera décisive : il sera médecin !
En 1977, JJSS vend l’Express et fin des années 70, il met fin à sa carrière politique qui lui a couté une bonne partie de l’argent de la vente de son journal. Il publie en 1980 « Le défi mondial », véritable best-seller dans lequel il vente les miracles de l’informatique, sa nouvelle passion. Pendant ce temps David étudie au Québec où il a du mal à s’intégrer. Il somatise, souffre de troubles du sommeil et déprime.
Il suit une thérapie… la psychanalyse est entrée dans sa vie. En 1984, David rentre à Mc Gill, Montréal en 6ième année de médecine. Il s’y sent très heureux.
Après sa rencontre avec Steve Job, JJSS était parvenu à convaincre Mitterrand de créer le Centre mondial Informatique à Paris. Visionnaire, JJSS rêve d’équiper les écoles françaises d’ordinateurs individuels. Mais les experts français sont plus convaincus par le Minitel que par l’ordinateur individuel. JJSS s’avère mauvais gestionnaire. Le centre doit fermer ses portes et JJSS choisit de s’établir à Pittsburgh en Pennsylvanie. Il y donne cours à Carnegie Mellon. Sans état d’âme, Jean-Jacques divorce avec Sabine et fait venir ses 4 fils avec lui. Il abandonne sa femme mais ne se sépare pas de ses héritiers. Pendant 3 ans, Sabine ne savait même pas où ils habitaient. David qui se plaisait à Montréal, arrive à Pittsburg en 1985 en n’ayant pas osé s’opposer à son père. Au 623 Morewood Avenue, trône la splendide maison de Jean-Jacques que beaucoup pense être l’ambassade de France. Une maison d’hommes. Une vraie et indéfectible fraternité se construit.
David travaille jour et nuit avec son ami Jonathan. Il a 30 ans. Il vient de réussir son doctorat de sciences et dirige son propre laboratoire et maitrise les technologies les plus à la pointes. David ne peut imaginer quitter Pittsburgh alors que sa petite amie, Karin, (que lui a trouvé son père) s’ennuie. Espérant l’apaiser, il l’épouse… Le divorce sera prononcé à l’amiable quelques mois plus tard. David fume comme un pompier, se nourrit de fast-food arrosé de Coca-Cola. Il rencontre Olga, une assistante de recherche à l’institut Psychiatrique, d’origine russe.
Un soir d’octobre 1991, David s’installe dans le tube du scanner à la place d’un étudiant cobaye absent. Jonathan découvre sur le scanner quelque chose comme une noix dans le cerveau de David. David comprend immédiatement de quoi il en retourne… Son espérance de vie est de quelques mois à 5 ans… Des années plus tard, David dira de son cancer, qu’il a été une chance. Il écoute ses patients, commence à se nourrir sainement, épouse Olga et partage avec elle une vie douce. Elle lui donne un fils, Sacha en 1995. Mais Olga s’occupe entièrement de son fils. Sacha a pris la place de David dans le cœur d’Olga. David est à nouveau envahit par la dépression.
La naissance de Sacha a été l’occasion de reformer le couple éclaté de Sabine et Jean-Jacques qui se remarient en 1996 dans un fast-food McDonald à Berkeley. JJSS adorait cette chaîne qui avait éloigné la faim dans le monde. Sabine restera au côté de son mari jusqu’à sa mort en 2006.
Après avoir été très actif au sein de Médecins sans frontières, David se rend au Tibet pour un voyage humanitaire auprès des orphelins tibétains. Un voyage qui le remet complètement en question au sujet des médecines complémentaires à propos desquelles des preuves scientifiques sur leur efficacité existent et qui n’ont jamais étés abordées au cours de ses études. Il étudie l’acupuncture dont il découvre les fabuleux bienfaits. A son retour en Europe, il fera des recherches sur la surprenante thérapie EMDR, selon laquelle le mouvement des yeux modifie la façon dont le souvenir des traumatismes est stocké dans le cerveau. David sera enseignant d’EMDR à Pittsburg et en sera l’infatigable promoteur en France.
En juillet 2000, nouvelle tumeur. Certain de ne plus pouvoir retrouver le bonheur au sein de son couple, David retourne en France et s’installe dans l’immeuble où vivent ses parents et deux de ses frères. Il perd la garde de son fils, la maison de Pittsburgh et une grosse partie de ses revenus. Olga et Sacha partent s’installer sur une petite île croate pendant six ans. David change radicalement son comportement et son alimentation avec une rigueur implacable : plus de sucre ni de viandes rouges, du poisson gras, des légumes et des fruits, plus de vin rouge et une activité sportive quotidienne. Il se met à méditer et édite des articles dans Psychologies Magazine, qui appartient à son oncle, Jean-Louis. Les articles sont les plus lus de la revue.
David écrit son livre « Guérir » chez Madeleine Chapsal. Il reçoit de son oncle, Jean-Louis, un chat siamois, Titus, que David ne quittera plus. Lorsque son livre « Guérir » parait en 2003, ses pairs ne manquent pas de le critiquer. « Qui est ce psychiatre qui pense «guérir » la dépression en faisant manger des sardines aux malades ? ». « Guérir sans médicaments » leur hérissent le poil ! La clarté du texte est parfaite. Scientifiquement irréprochable tout en restant accessible au plus grand nombre. Son principal sujet était la réconciliation de la psychiatrie et des approches complémentaires. Un véritable best-seller, arrivé au bon moment avec la bonne idée et un réel talent pour la vendre. David court de télé en radio, de signatures en conférences, en France, à l’étranger au rythme des traductions de son livre. David est devenu un gourou, une idole.
Après 5 ans d’un mode de vie rigoureux, David semble guérir. Son frère Franklin l’encourage à écrire un deuxième livre, « Anticancer » dans lequel David dévoile le secret de sa maladie. Les lecteurs s’arrachent ce livre qui leur font comprendre à quel point ce qu’ils font au quotidien a un impact sur leur santé et qu’ils en sont les acteurs. Anticancer atteint le million d’exemplaires. David reprend une vie à un rythme effréné… il n’écoute pas sa fatigue. Entretemps, il a rencontré Gwenaëlle qui emménage dans l’immeuble familial en 2008. David retrouve le bonheur. Le spectre de la maladie semble s’être éloigné. Gwenaëlle tombe enceinte… mais quelques mois plus tard c’est la rechute ! Comment rester crédible ? David fait partie de l’establishment médical américain.
En juin 2009, son fils, Charlie nait. Et en avril 2010, Gwenaëlle est à nouveau enceinte. Meghan O’Hara, elle-même atteinte d’un cancer, réalise un magnifique documentaire, The C Word, (disponible sur Netflix) dans lequel elle suivra David jusqu’à ses derniers jours. En 2010, on enlève la tumeur dans le cerveau de David… mais cette fois-ci, c’est la Big One. Toute la fratrie se retrouve auprès de David. Il ne sera plus jamais comme avant. Les rapports du couple sont devenus compliqués et la connexion avec Gwenaëlle est difficile. David préfère se réfugier dans son clan… Gwenaëlle vient d’accoucher d’une petite Anna le 7 janvier 2011. David décèdera le 21 juillet de la même année.
Franklin a aidé David à laisser un dernier message. Il est important pour David de témoigner que la rechute de son cancer ne remet nullement ses recommandations en cause. David vivait avec une tumeur cérébrale depuis ses 30 ans. Son pronostic de survie était au pire de 18 mois et au mieux de 5 ans. En appliquant les préceptes qu’il préconisait, il a vécu 19 ans de plus.
Il dicte un dernier livre sous forme d’au revoir « On peut se dire au revoir plusieurs fois. » Son livre est superbe. La médiatisation de sa tragédie l’a transformé en icône. Guérir reste un livre historique dont toutes les idées dont il parle sont aujourd’hui passées dans le grand public.
Édouard se rapprochera d’Olga. Leurs liens se sont transformés en histoire d’amour… un coup de théâtre à la façon Servan-Schreiber. Il devient ainsi, l’oncle et le beau-père de Sacha qui a 16 ans lorsque son père décède. Un enfant assez sauvage, étrange et difficile à comprendre. Il est devenu un beau jeune homme, un brillant étudiant en sciences, spécialiste de la sauvegarde des données informatiques. A 23 ans, il publie déjà ses travaux dans des revues spécialisées.
Laurence de Vestel – juin 2011 – ©oltome.com
Un magnifique hommage à David Servan-Schreiber. Brillant neurochirgien, David vivait avec une tumeur cérébrale depuis ses 30 ans. Son pronostic de survie était au pire de 18 mois et au mieux de 5 ans. En appliquant les préceptes qu’il préconisait, il a vécu 19 ans de plus. La rechute de son cancer ne remet nullement ses recommandations en cause. « Guérir » et « Anticancer » restent deux livres historiques dont toutes les idées dont il parle sont aujourd’hui passées dans le grand public.